
- 23/01/2021
- 12h55 - 13h00
- 5min
- Télécharger
programme de la journée
12:05 - Écouter
par Laurence Moachon
12:55 - Écouter
13:00 - Écouter
13:15 - Écouter
par Mireille Garolla
14:00 - Écouter
par Nathalie Garnier
14:45 - Écouter
par Carole Galloy
15:15 - Écouter
par Alexandra Magin
16:15 - Écouter
par Marion Rouillard
17:00 - Écouter
Philippe Bilger les soumet à la question
par Philippe Bilger
18:00 - Écouter
par Pascal Pfister
18:30 - Écouter
par Gilles Castelnau
19:00 - Écouter
par Pierre Gaffié
20:00 - Écouter
21:00 - Écouter
par Myriam Lemaire
22:00 - Écouter
par Philippe Luez
00:00 - Écouter
00:15
00:30
par Marc Portehaut
01:05
par Claude Boulanger
02:00
par Carole Galloy
02:30
par Gilles Castelnau
03:00
par Alexandra Magin
04:00
par Laurence Moachon
05:00
par Pascal Pfister
La mémoire de l’hygiaphone et du masque de pestiféré.
La distanciation sociale et les gestes barrière ont une mémoire qui est celle des masques et des vitres de séparation. Les hygiaphones ont longtemps hanté les guichets de nos postes, de nos banques, de nos gares, de nos métros et de nos administrations et les parloirs de nos prisons. C’est une épidémie de grippe à la SNCF, en 1945, qui a déclenché leur invention et leur utilisation.
Les guichetiers, décimés par la grippe, avaient déserté leurs postes de travail. Inventé par l’ingénieur André Bourlier, le système passe-son Duetto devint l’Hygiaphone, marque déposée par l’entreprise l’ayant lancé sur le marché. Grâce à l’hygiaphone, le nombre des jours d’absence pour maladie dans un guichet équipé d’Hygiaphone est tombé à 30, d’août 1946 à juin 1947, contre 355, d’août 1945 à août 1946.
A partir de 1968, les hygiaphones ont été blindés pour résister aux attaques à main armée dans les milieux bancaires et postaux.
La mémoire du masque est beaucoup plus ancienne. Dans les nécropoles d’Égypte et dans les tombeaux de Mycènes, une simple feuille d’or déposée sur le visage des morts pour mouler leurs traits dissimulait leur dégradation. Le masque devient ensuite un accessoire de théâtre et un outil de protection contre les vapeurs toxiques ou contre les épidémies.
Dans la panoplie des médecins de peste du XIIe siècle figurait un masque en forme de bec d’oiseau appelé « médecins bec ». Des sangles maintenaient ce masque de protection à l’avant du nez. Le masque avait des bésicles intégrées et un bec incurvé à deux trous pour la respiration. L’ancêtre du masque à gaz et du masque protecteur contre la Covid-19.
Au XVIIIème siècle, le masque sauva partiellement les broyeurs de couleurs, les plâtriers, les plumassiers, les cardeurs de laine, les chapeliers, les fabricants de colle forte, les vidangeurs, les fossoyeurs, et le personnel des hôpitaux. Le masque du chirurgien, celui du plongeur et de l’aviateur furent plus tardifs.
Alors qu’on les croyait définitivement disparus, tués par l’ouverture des espaces, et par la disparition du cash, ou par le règne de la laïcité, ils reviennent donc les hygiaphones et les masques. Sans trous cette fois! Il ne faudrait pas qu’ils débouchent sur un syndrome d’« haptophobie », néologisme créé dès 2004 par le philosophe Bernard Andrieu dans son livre « Du corps intouchable au corps virtuel » pour désigner un type de relation sociale fondé sur la peur du contact physique. La chanson du groupe Téléphone enregistrée en 1977 a de l’avenir :
Comme ça à s’regarder chacun de chaque côté
On a l’air de mérous coincés dans l’aquarium
Mais faudra qu’entre nous je casse la plexiglas
Et qu’un jour, Mimi, je te parle en face
Parlez
Parlez dans l’hygiaphone
Et pour ce qui est du masque, il continuera à caractériser dans l’avenir des postures paradoxales et parfois opposées : celle de la soumission des femmes soumises ou celle de la rébellion des vengeurs masqués, celle de la protection des gilets jaunes ou celle de l’agression des black blocks.
Jean-Pierre Guéno