Ce n’était pas prévu au programme. Je n’avais jamais participé ni couvert de manifestation auparavant, mais le contexte politique entre Israël et la Palestine est tellement important et actuel que je ne pouvais pas passer à côté. Alors quand ma camarade d’école de journalisme m’a proposé de l’accompagner, j’ai dit “OK”.
Toutes les conditions étaient réunies pour que cette manifestation pro-Palestine soit mouvementée. Un temps pluvieux, voire orageux ; des centaines de policiers sur le qui-vive et des manifestants brandissant le drapeau palestinien et criant “la Palestine vivra”. Quand je suis arrivé avec ma collègue, JRI (journaliste-reporter d’image) en devenir, j’ai eu l’impression d’entrer sous un torrent.
La marche avait été interdite par la préfecture de police plus tôt dans la semaine, par peur des débordements possibles. Mais de mon point de vue, il n’y en a eu aucun. Seule la présence policière extrêmement importante a représenté une “provocation” pour les marcheurs venus, pacifiquement, témoigner de leur indignation contre le sort fait au peuple palestinien par l’armée israélienne.
15 h 30. Sortie de la station de métro Marx Dormoy. Le ciel encombré de lourds nuages orageux représente bien l’atmosphère qui règne Porte de la Chapelle, une atmosphère de confrontation, comme si les protestataires savaient qu’ils allaient entrer en guerre avec les policiers. Ce sera le cas, de la Porte de la Chapelle jusqu’à Gare du Nord.
Dès les premières minutes, la marche est séparée en deux par la police désireuse de disperser les manifestants et annihiler le mouvement le plus vite possible. Pendant deux heures, ma consœur et moi-même tentons de photographier la manifestation, mais impossible de rester plus de cinq minutes sans charge de police ou jet de gaz lacrymogène.
L’image la plus marquante reste le drapeau israélien, à moitié brûlé, au côté du drapeau palestinien flottant dans les airs. Comme si les manifestants voulaient prendre une revanche symbolique sur les arrestations et les morts de la bande de Gaza. Dans la montée qui mène à la gare du Nord, le face-à-face entre policiers et marcheurs prend un air de dernière bataille. Sous la fumée asphyxiante des gaz et une nouvelle averse, la foule se disperse une nouvelle fois, évitant une énième charge par surprise.
18 h. Les yeux rouges et nos portables vidés de leurs batteries, nous quittons le rassemblement avec le sentiment d’avoir saisi les instants les plus significatifs de l’après-midi. La tension commence à devenir trop forte et il ne sert à rien, pour des apprentis-journalistes comme nous, de prendre des risques inconsidérés. Pour une première, ce n’était pas si mal. Peut-être irai-je à nouveau couvrir d’autres événements du même genre. On ne sait jamais…
Médric Bouzermane