Gouvernement Borne II : le présidentialisme renforcé

(c) Carlyle Gbéi

Le coup d’envoi du second quinquennat d’Emmanuel Macron est officiellement donné. À la suite des élections législatives qui se sont soldées par une majorité relative pour la coalition présidentielle Ensemble et les défaites de trois ministres, un remaniement s’imposait conformément à la coutume républicaine.

Mais quel gouvernement pour affronter cette “reparlementarisation” de la vie politique française ? Un gouvernement d’union nationale ? Option écartée, car jugée trop révolutionnaire. Un gouvernement de coalition ? Option fortement envisagée, mais avec qui ? Les partis dits “de gouvernement” n’en voulaient pas. Le chef de l’État a donc opté “pour un gouvernement d’action”, expression redondante dans la mesure où un gouvernement est nommé pour agir… enfin, selon les textes constitutionnels.

Après deux semaines d’attente, l’Élysée a dévoilé ce lundi matin la composition du gouvernement Borne II. Au total, 41 ministres, ministres délégués et secrétaires d’État pour défendre et appliquer le projet présidentiel. 21 hommes et 20 femmes plus la Première ministre, la parité est respectée.  Dans cette nouvelle équipe, les ministres battues aux dernières élections sont remplacées (Amélie de Montchalin remplacée par Christophe Béchu à la Transition écologique et à la cohésion des territoires, l’urgentiste chargé de la mission Flash François Braun remplace Brigitte Bourguignon à la Santé et le député des côtes d’Armor Hervé Berville succède à Justine Bénin). D’autres, bien que victorieux, sont priés de rendre leur tablier en raison d’affaires judiciaires qui deviennent pesantes pour l’édifice gouvernemental. Tel est le cas du ministre des Solidarités Damien Abad remplacé par le directeur de la Croix-Rouge, Jean-Christophe Combe. Les barons sont maintenus à leur fonction avec un élargissement de domaine pour certains comme Gérald Darmanin, qui récupère le ministère des Outre-mers laissé vacant par Yaël Braun Pivet, élue présidente de l’Assemblée nationale par ses pairs mardi dernier. Un petit jeu de chaises musicales pour récompenser les uns (l’ex-ministre déléguée aux Affaires européennes hérite du ministère des Transports) et sanctionner les autres (la porte-parole du gouvernement Olivia Grégoire remplacée par Olivier Véran, initialement ministre chargé des relations avec le Parlement). Des soutiens de la première et même de la dernière heure (la maire de Beauvais, Caroline Cayeux, chargée des collectivités territoriales) ainsi que des amis (le maire de Clichy sous Bois, Mathieu Klein) sont également récompensés.

Mais quel message le chef de l’État voulait-il envoyer aux français à travers ce nouveau gouvernement ?

Après une large consultation des différents responsables politiques, destinée à former un groupe parlementaire, renforcée par une consultation-bis de la Première ministre avec les chefs de groupe fraîchement élus, on s’attendait à un gouvernement plus ouvert avec des personnalités venant de la gauche et surtout de la droite. Rien de tel. A priori, aucune personnalité des différents courants de l’échiquier politique ne veut embarquer sur le Titanic d’Emmanuel Macron. Tant pis. Le président, au regard de ce gouvernement, souhaite rappeler qu’il a été élu le 24 avril sur un projet cohérent et qu’il dispose, en dépit de tout, d’une majorité, fut-elle relative. L’objectif est clair : renforcer sa majorité en satisfaisant en premier lieu les différentes chapelles de la coalition afin d’éviter les frondeurs. Ne dit-on pas que charité bien ordonnée commence par soi-même ?

De plus, quand la stratégie de la coalition et du débauchage ne fonctionnent pas, il est toujours possible de faire appel aux anciens de la maison restés en réserve de la république. C’est ainsi que la très médiatique Marlène Schiappa et la députée Modem Sarah Elhairy retrouveront la famille gouvernementale.

Alors que la France semble connaître une reparlementarisation de sa vie politique, Emmanuel Macron souhaite affirmer son hyperprésidentialisme. La clé de voûte des institutions, c’est bien lui. Si le parlement ne sait pas devenir par lui-même constructif, l’arme de la dissolution pourra être dégainée à tout moment. Jupiter is back…

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