La moutarde, plus qu’un condiment, un symbole.

Capitale historique du duché de Bourgogne, ville aux cent clochers sous l’Ancien Régime, héritière d’un riche patrimoine historique et architectural, Dijon est une cité touristique de plus de 159 000 habitants, dont l’attrait est renforcé par la réputation gastronomique de la région.
Côté gastronomie, Dijon est en effet connue dans la culture populaire pour la moutarde… Eh oui ! la fameuse moutarde de Dijon. Dans cette cité des ducs, plus qu’un outil d’assaisonnement culinaire, la moutarde représente aujourd’hui un symbole de rayonnement. Raison pour laquelle la nouvelle Cité internationale de la gastronomie et du vin, qui a pour mission de valoriser à la fois le repas gastronomique des Français et les « climats » du vignoble bourguignon, lui consacre une place particulière.

Le Manège à moutarde fait spectacle en théâtralisant la célèbre spécialité dijonnaise grâce à un bras robotisé unique en son genre. Fréquence Protestante a donc décidé de vous faire découvrir, depuis cette Cité internationale de Dijon, le rattachement historique de la moutarde avec son territoire, son processus de fabrication et ses différentes variantes.

La Cité internationale de la gastronomie et du vin de Dijon : un lieu d’exception pour célébrer l’art de vivre à la française

“Manger bien, manger sain, en bonne compagnie, avec les gens qu’on aime” c’est ainsi que nous décrit Dominique Buccellato, la directrice du pôle culturel, l’ambiance voulue au sein de cette cité. Inaugurée le 6 mai 2022, elle se veut ouverte à tous. Il s’agit d’un véritable quartier où vivent près de 1500 personnes. Déployée sur une superficie de 6,5 hectares, la cité abrite des boutiques, des habitations ainsi que des écoles de formation avec notamment la célèbre école de gastronomie française Ferrandi. Avec la cité de Lyon tournée vers la thématique de gastronomie et santé, la cité de Rungis axée sur l’alimentation durable et la cité de Tours orientée sur la recherche scientifique traitant de l’alimentation, la cité Internationale de la gastronomie et du vin de Dijon fait partie des quatre établissements du label Unesco.
Pour le maire de la ville, François Rebsamen, elle fait de Dijon une destination incontournable “du bien manger”, “du bien boire” et du “bien recevoir”.
En son cœur, on retrouve une spécialité reconnue dans le monde entier : la moutarde. Le “moutardor”, situé dans le… bar à moutarde, met en scène un automate qui propose aux visiteurs des pots à leur effigie. Le manager, Eliot, nous donne plus d’informations sur la composition et la fabrication de ce trésor dijonnais.

Aux origines de la moutarde de Dijon

D’où vient le mot “Moutarde” ? Selon Mme Buccellato, un débat doctrinal existe sur son étymologie. Pour certains, le mot serait dérivé du latin “mustum ardens” qui veut dire “Moût brûlant”. Pour d’autres, il est dû au duc de Bourgogne Philippe le Hardi, au XIVe siècle, qui aurait eu comme devise en pleine bataille “Mout me Tarde” affiché sur ses bannières qui signifie “il me tarde de rentrer à Dijon”. Selon la légende, avec le vent, la bannière se pliait en cachant le mot “me”… il ne restait alors que “Mout Tarde”. Cette devise deviendra populaire au point de symboliser Dijon. Quant à cette préparation faite à base de graines de sénevé qui s’élaborait dans la région, on lui donnera le nom de “moutarde”.

Initialement conçue avec du verjus (jus acide extrait des raisins n’ayant pas mûri), la recette de la moutarde connaîtra une véritable révolution en 1742 grâce à un dijonnais, Jean Naijeon, issu d’une famille de vinaigriers qui, sur un coup de tête, remplacera le verjus par du vinaigre provenant des vignes de la région. Cette petite touche fera la particularité de la moutarde de Dijon. Au XIXᵉ siècle, on dénombrait plus de 39 fabricants de moutarde. Aujourd’hui, ils ne sont plus que quatre à Dijon et dans la région Bourgogne : Amora-Maille à Chevigny Saint-Sauveur, Fallot à Beaune, Reine de Dijon à Fleurey sur Ouche et Européenne des Condiments à Couchey.
Selon Madame Buccellato, toutes les moutardes ne viennent pas de Dijon, même celles qui s’en revendiquent… En effet, depuis 2009, toutes les moutardes issues de Bourgogne sont protégées par une Indication Géographique Protégée (IGP). Ce label permet d’affirmer que ces moutardes sont composées uniquement de produits (graines et vin blanc) bourguignons. Par exemple, les moutardes Fallot et Reine de Dijon sont protégées par ce label. Pourtant, d’autres moutardes dites de Dijon sont fabriquées à partir de graines canadiennes.

Les diverses familles de moutardes

Hormis la moutarde traditionnelle faite à base d’eau, de sel, de vinaigre d’alcool et de graines, il existe une large variété. Lors de l’atelier de fabrication, la directrice du pôle culture de la Cité nous en a présenté trois. D’abord, la moutarde au miel, qui fut consommée dans le passé par les rois de France et dont la composition demeure secrète. La moutarde Meaux Pommery Miel est produite à Meaux en Seine-et-Marne. Elle se marie parfaitement avec une viande blanche ou du jambon. Ensuite, la moutarde au cassis, qui a la particularité de combiner deux produits phares de la région : le cassis et la moutarde. Elle est fabriquée par la moutarderie artisanale Edmond Fallot, basée à Beaune, à la meule de pierre. Elle peut servir à faire mariner les gibiers, les viandes rouges ou la charcuterie fumée. Enfin, la moutarde de curry, qui est très locale et piquante. Elle est fabriquée par la société Reine de Dijon, troisième productrice de moutarde en France. Elle peut être utilisée pour les viandes grillées au barbecue. Pour aller plus loin, la moutarderie Fallot propose même un sirop de moutarde… spécialité bourguignonne !

Il convient de préciser que la moutarde française n’est pas produite exclusivement en Bourgogne. En effet, on trouve également des producteurs à Orléans avec Martin Pourret, dans la Loire avec la maison Clarance, et à Meaux avec Pommery Miel. Toutes ces moutardes sont bien sûr vendues au sein du bar à moutarde de la Cité internationale gastronomique et du vin de Dijon.

Mais que dire de la pénurie de moutarde que connaît la France ?

Y-a-t-il encore de la moutarde à Dijon ?

Pour Eliot, le manager du bar à moutarde, la région n’est pas épargnée par la pénurie. Comment l’expliquer ? Il y a deux raisons : la dernière récolte de graines canadiennes – le Canada est le premier producteur mondial – a été marquée par la sécheresse et des attaques d’insectes. Rien à voir avec la guerre en Ukraine. Mais en Bourgogne, la pénurie est liée à d’autres causes. Marc Desarmanien, de la moutarderie Fallot, nous informe qu’il n’est pas concerné par cette rupture de stock, car sa moutarderie s’approvisionne exclusivement en graines de Bourgogne. L’absence de moutarde dans la région est plutôt liée aux problèmes climatiques, avec la forte vague de chaleur qui s’est abattue sur le pays durant le mois d’août. Les producteurs de la région espèrent donc un retour à la normale afin de continuer d’assurer la fabrication de ce condiment qui fait la grandeur gastronomique de la cité des ducs.

En attendant, n’hésitez pas à vous procurer les différentes moutardes proposées par les producteurs français, mais attention : évitez soigneusement qu’elle vous monte au nez…

Carlyle Gbei, envoyé spécial à Dijon, au pays de la moutarde

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