Haussmann, alias Attila l’éventreur
Résumé de l'émission
En allemand, « Haussmann » veut dire « l’homme de la maison ». Nom prédestiné pour celui qui transforma le Paris du Second Empire et qui bouleversa l’urbanisme. Georges Eugène Haussmann est né dans le quartier Beaujon, 55 rue du Faubourg-du-Roule aujourd’hui annexée à la rue du Faubourg Saint-Honoré, dans une maison que le Préfet devenu sénateur et Baron va faire détruire sans état d’âme, lors des grands travaux qui l’ont immortalisé. « Attila » « L’éventreur » : les noms d’oiseau ne manquent pas pour désigner celui qui fit aboutir des projets qui l’avaient souvent précédé, mis au point au XVIIIème siècle et repris par la commission Siméon. De 1854 à 1858, Haussmann profite de la période la plus solide du règne de Napoléon III pour transformer le centre de Paris en y perçant une croisée gigantesque. Nommé préfet de la Seine en juin 1853 avec pour mission « d’aérer, unifier et embellir la ville », Haussmann n’a pas seulement pour mission d’assainir la ville sur le plan de l’hygiène mais de la sécuriser sur le plan social. Il déclenche des grands travaux décidés et encadrés par l’État, mis en œuvre par les entrepreneurs privés et financés par l’emprunt et par la spéculation. La construction de l’axe nord-sud, du boulevard de Sébastopol au boulevard Saint-Michel, forme une grande croisée au niveau du Châtelet avec la rue de Rivoli qui est alors prolongée jusqu’à la rue Saint-Antoine. Ce nouveau Paris de surface est complété par un formidable réseau sous-terrain d’adduction d’eau et d’évacuation des eaux usées. Plus de 340 kilomètres d’égouts sont construits sous la direction de Belgrand entre 1854 et 1870. Le précurseur du jeu de Monopoly détruit 20 000 maisons pour en construire plus de 40 000 entre 1852 et 1870. On rase la Tour des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Latran, l’église Saint-Benoît, les restes du collège de Cluny, le marché des Innocents, l’hôtel Coligny, de nombreuses églises et chapelles. Parallèlement à la percée des grands axes, les Halles sont aménagés. L’Île de la Cité est en grande partie rasée et réaménagée. Ses ponts sont reconstruits ou rénovés. Une autre traversée est ouest se dessine avec le doublement de la rue des Ecoles par le Boulevard Saint-Germain. On aménage des grandes places. On crée les grandes avenues parisiennes. La première couronne des boulevards est achevée et reliée au centre de la ville, avec des axes tels que la rue de Rennes ou l’avenue de l’Opéra. Les arrondissements périphériques sont aménagés , de nouvelles gares sont construites et reliées les unes aux autres. On construit l’Opéra, les deux théâtres de la place du Châtelet, l’Hôtel-Dieu, la caserne de la Cité, de nombreuses églises. Chacun des 20 nouveaux arrondissements est doté d’une mairie. On crée des squares et des parcs. On crée ou on restructure les grands espaces verts de Paris. On rogne sur d’autres. Des rangées d’arbres bordent les avenues. Mais la machine Haussmann s’essouffle. Les budgets dérapent. Les emprunts creusent une dette qui s’élève à 1,5 milliards de francs en 1870 et contribue à discréditer les grands travaux. En 1867, Jules Ferry dénonce le trou financier dans un pamphlet : Les comptes fantastiques d’Haussmann, allusion aux Contes fantastiques d’Hoffmann. Haussmann est finalement renvoyé quelques mois avant la fin du Second Empire qui aura également constitué son règne. Son bilan est globalement positif même si ses transformations ont éloigné les familles pauvres du centre de la ville et contribué à déséquilibrer la composition sociale de Paris entre l’ouest, riche, et l’est, défavorisé.
Jean-Pierre Guéno