This is a repeating event6 octobre 2025 20h00
Seinfeld, l’adversité du quotidien, avec Hendy Bicaise
Résumé de l'émission
La diffusion du dernier épisode de la série Seinfeld, le 14 mai 1998, a réuni 76 millions de téléspectateurs et des milliers d’amateurs dans des rassemblements en plein air. Le show en était à sa 9e saison. Pour resituer Seinfeld dans l’histoire des séries humoristiques, il faut rappeler que l’année de sa première diffusion, on trouve toujours à l’antenne Madame est servie, mais pas encore Friends. C’est dire à quel point Seinfeld constitue une petite révolution dans le monde des sitcoms, en sortant du sempiternel modèle familial, où des flopées d’enfants vivent leur coming-of-age, tandis que les parents se débattent avec leur rôle et leurs problèmes d’adultes mâtures. Seinfeld entend explorer des thématiques bien différentes, en commençant par se débarrasser des rejetons, pour mettre uniquement en scène des adultes immatures, dont la vie est moins remplie que celle de leurs alter égos des sitcoms habituels. Le résultat est étonnant, avec une série très verbale, très new-yorkaise, où des personnages sans grandes histoires devisent sur leur existence ordinaire et leurs petits tracas du quotidien. Quelque part entre Woody Allen et l’esprit caustique du Saturday Night Life.
On a beaucoup dit que Seinfeld était une série à propos de rien, mais pour l’invité d’Emmanuel Taïeb, Hendy Bicaise, c’est plutôt une série qui parle des « petits riens » : tous ces petits épisodes de nos vies qui, mis bout à bout, forment une morale et nous aident à comprendre l’existence. C’est peut-être ce qui explique le succès public et critique de Seinfeld. Il faut dire qu’à la manœuvre on trouve Jerry Seinfeld, comique de stand-up confirmé qui décide un jour de filmer ce qu’il raconte habituellement, et Larry David, auteur de sketches pour le Saturday Night Live, et qui, lui, poursuivra dans la même veine avec la série Curb your Enthousiasm dont le dernier épisode a été diffusé en avril 2024.
A l’examen pourtant, Seinfeld se révèle moins légère que prévue. Le ton est grinçant, pessimiste, les personnages n’évoluent pas, semblant redécouvrir les travers du monde à chaque nouvel épisode, perdus dans leur égoïsme et leurs angoisses morbides. Le mot d’ordre des showrunners, c’est « no hugging, no learning », qu’on pourrait traduire librement par « ni sentiments, ni édification ». Quelle étrange série, alors, dont les rires deviennent vite jaunes et où une imperceptible noirceur prend le dessus. Seinfeld n’aura jamais aussi bien illustré la phrase attribuée à Chris Marker selon laquelle l’humour est la politesse du désespoir.
Avec Hendy Bicaise, critique cinéma et série
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