La chute de l’homme augmenté
Résumé de l'émission
La guerre de l’Ego et de l’Olympe… L’homme a toujours rêvé d’immortalité, à l’exemple des Dieux antiques qu’il s’est créés, finissant par les défier, sans hésiter à braver leur colère supposée. Un chirurgien français n’a-t-il pas prédit il y a dix ans « la mort de la mort » ! Les progrès de la science incitent aujourd’hui certains êtres humains à se projeter en « post-humains » capables de vivre 250 ans, 300 ans, 1000 ans, et pourquoi pas éternellement. Cette toute puissance ferait de l’homme le maître de l’univers et du temps. « Ecce Homo », c’est le titre d’une toile du peintre italien Guido Reni exposée au Louvre et présentant l’homme ordinaire qu’est le Christ au terme de son chemin de croix et portant la couronne d’épines de son supplice. Ecce Homo, « C’est ça l’homme ! » c’est le commentaire sarcastique de Ponce Pilate, le préfet romain de Judée qui présente Jésus à la foule, vulnérable, battu et couronné d’épines, avant la crucifixion, pour le ridiculiser et prouver qu’il ne dispose d’aucun pouvoir exceptionnel ou d’ordre divin.
Mais comme il a rétréci au lavage du virus couronné le « transhumanisé » ! En un peu plus d’un an, nous serons passés de l’homme augmenté à l’homme grippé ; nous avons perdu nos prétentions. Nos vanités ont flambé avec le virus. Nous avons découvert l’homme diminué. Le transhumanisme a débouché sur le transattentisme. Nous différons. Nous procrastinons. Nous subissons. Nous retenons notre souffle. Nous le confinons sous nos masques. Nous sommes psychiquement sous insuffisance respiratoire sans pour autant l’être physiquement. D’une certaine façon, nous sommes en salle de réanimation permanente. Nous avons perdu notre superbe, nos fausses certitudes, notre suffisance. Mais nous avons enfin repris conscience de notre fragilité. L’autre nous manque autant que nous nous manquons à nous-mêmes. L’autre nous manque et tout est dépeuplé. Car nous avions pu avoir l’illusion de tout résumer, de nous suffire à nous-même, oubliant que l’effeuillage de l’Ego ressemble à celui de la marguerite et finit toujours par « pas du tout ». Il faut savoir préserver un pétale. L’illusion de l’auto-suffisance nourrit toujours notre suffisance. L’homme augmenté n’est pas celui qui se prolonge en devenant invulnérable, en tendant vers le fantasme, vers le cauchemar de l’immortalité. C’est notre vulnérabilité, c’est notre finitude qui nous protègent en nous rendant solidaires des autres, de tous ceux qui dépendent de nous comme nous dépendons d’eux. Nous communions dans le périmètre de notre condition humaine. C’est notre âme qui nous augmente. Elle n’est pas effeuillable, pas plus qu’elle n’est échangeable ou négociable. Elle est incomplète dès lors qu’elle n’est pas animée par le souffle du partage. Dans Pilote de guerre Antoine de Saint Exupéry nous rappelait que « La charité véritable, étant exercice d’un culte rendu à l’homme, au-delà de l’individu, impose de combattre l’individu pour y grandir l’homme. » Sans âme, l’homme est un grand mutilé qui finit toujours par ressentir les outrages, les morsures, les amputations de la grande solitude. L’intelligence artificielle n’est ni celle du cœur ni celle de l’âme. L’homme augmenté n’est-ce pas en fait l’humanité diminuée ?