La mémoire de l’encre effaçable

15mai12h5513h00La mémoire de l’encre effaçableAdolfo Kaminsky12h55 - 13h00(GMT+02:00) AnimateurGueno Jean-PierreÉmissionInstants d’Histoire

Résumé de l'émission

La mémoire de l’encre effaçable.
Né à Buenos Aires en 1925 dans une famille juive originaire de Russie installée en France en 1932, Adolfo Kaminsky travaille comme apprenti-teinturier dès l’âge de quinze ans et apprend les rudiments de la chimie. Un jour en laissant tomber par mégarde dans une cuve pleine de linge tâché d’encre un composé lacté, il devient le premier homme au monde à savoir effacer l’encre bleue. Raflé puis interné à Drancy en 1943 avec sa famille, il peut quitter le camp grâce à sa nationalité argentine. Sa famille est éliminée dans les chambres à gaz et dans les fours crématoires d’Auschwitz. Seul survivant, il s’engage dans la Résistance à dix-sept ans, et ses compétences de chimiste amateur font de lui un expert dans la réalisation de faux papiers. Son travail de faussaire sauve plusieurs milliers d’enfants juifs. Il est un peu l’inventeur de l’effaceur d’encre.
Waterman n’a pas seulement inventé le stylo à plume à conduit fiable et la cartouche d’encre. Pendant longtemps, Waterman a commercialisé l’encre « Bleu effaçable ». Et puis son encre bleue a changé de nom. Elle est devenue « Bleu sérénité ». La tendance est à l’éviction des noms et des toponymes jugés négatifs et donc dévalorisants. Exit le « nord » vécu comme péjoratif. Bonjour les « Côtes d’Armor » et les « Hauts-de-France ». Adieu la notion d’effaçable qui évoquait sans doute trop ce qui est éphémère et donc anxiogène. Elle avait le mérite d’être claire et précise. Elle disait clairement aux écoliers eu aux étudiants qu’ils avaient droit au remord. Avec les autres encres Bleu Waterman, l’effaceur d’encre ne fonctionne pas. Instant d’hésitation à l’achat : qu’est-ce qui correspond à cet ancien Bleu effaçable ? Bleu sérénité ? Bleu obsession ? Bleu inspiration ? Bleu mystère ? Violet tendresse ? Evidemment la marque hésite à rajouter le mot clef comme elle l’avait fait avec son « encre bleu effaçable bleu floride » : il risquerait d’effacer la sérénité ! Adolfo Kaminsky a aujourd’hui 95 ans. Sa belle âme, son talent et son courage resteront ineffaçables. Il n’a jamais accepté de monnayer son art de faussaire. Il n’a toujours servi que par idéal , que ce soit en aidant l’émigration juive vers la Palestine entre 1946 et 1948, pendant la guerre d’Algérie vers la fin des années 50, en aidant les mouvements de libération des pays d’Amérique du sud, et des pays d’Afrique, les portugais sous le régime de Salazar, les dissidents de Franco en Espagne ou les grecs contre la dictature des colonels. Il n’a pas oublié les déserteurs américains qui refusaient la guerre du Viêt Nam et fabriqua des faux papiers pour Daniel Cohn-Bendit en 1968. Il n’a toujours servi que des causes engagées, nobles et généreuses, comme son fils le rappeur Rocé ou sa fille, l’écrivaine, la comédienne Sarah Kaminsky.
Jean-Pierre Guéno

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