This is a repeating event31 juillet 2021 12h55
La mémoire du Panthéon
Résumé de l'émission
La mémoire du Panthéon.
Avec 5 femmes pour 75 hommes, la mémoire du Panthéon est beaucoup trop masculine. Mais il y manque encore quelques grandes figures.
Maurice Genevoix vient de rentrer au Panthéon, et avec lui, symboliquement, le million et demi de Poilus morts sur les champs de carnage entre 1914 et 1918 dont 500 000 qui n’ont jamais été formellement identifiés. Jean Moulin l’y attendait depuis 1964 : il n’est pas inutile de rappeler le terrible chemin de croix qui précéda sa mort.
Jean Moulin, alias Max, est arrêté à Lyon par les sbires de Klaus Barbie le 21 juin 1943, en compagnie de sept autres résistants, dont Raymond Aubrac, dans la villa du docteur Dugoujon, à Caluire-et-Cuire. Il a été probablement trahi par René Hardy dont la maîtresse Lydie Bastien espionne pour le compte de l’adjoint de Klaus Barbie.
Après son arrestation, Jean Moulin est d’abord transféré à Paris pour y être torturé par la Gestapo et par les auxiliaires français du groupe Bonny-Laffont, dans une villa de Neuilly. Le chef de la résistance ne parle pas, malgré l’horreur des sévices qui lui sont infligés. Agonisant, il est alors mis dans un train pour Berlin le 8 juillet : les nazis veulent essayer sur lui le Penthotal, ce « sérum de vérité » qui fait parler les gens contre leur volonté. Jean Moulin est confié à un infirmier soldat allemand qui n’arrive pas à le maintenir en vie. Il meurt aux alentours de Francfort et son corps est rapatrié à Metz dans le cadre du programme nuit et brouillard pour y être incinéré par un autre soldat allemand dont une incroyable coïncidence fait qu’il est le fils de celui qui l’a accompagné jusqu’à Francfort. Les deux soldats ont témoigné de la fin du chef de la Résistance intérieure, dont on sait à présent qu’il est mort en martyr en juillet 1943 sans avoir jamais parlé, alors qu’il avait signalé à sa mère et à sa sœur dans une lettre datée du 15 juin 1940 à quel point il redoutait de craquer sous la torture. Les propos de sa sœur seront repris par André Malraux dans son fameux discours « Bafoué, sauvagement frappé, la tête en sang, les organes éclatés, il atteint les limites de la souffrance humaine sans jamais trahir un seul secret, lui qui les savait tous ».
Avec Jean Moulin, ce sont tous les combattants de l’ombre , les obscurs et les sans grade du « peuple de la nuit » qui ont précédé au Panthéon ceux du peuple des tranchées. Il y manque encore aujourd’hui un représentant de tous les combattants sous uniforme qui se sont si vaillamment battus en 1940 comme pendant les années qui ont suivi. Il en est un qui ne dispose pour l’instant que d’un strapontin, que d’une plaque commémorative sous le dôme de la place « des grands hommes ». Il est temps de souffler l’idée qu’Antoine de Saint Exupéry pourrait être panthéonisé à part entière en février 2022, cent ans après qu’il ait publié à New York Pilote de Guerre sous le titre de Flight to Arras, ouvrage considéré par les Américains comme l’incarnation par excellence de l’esprit de résistance et dont furent dotés nombre de GI’s qui ont débarqué sur les plages de Normandie en juin 1944.
Jean-Pierre Guéno