La mémoire tragique du départ
Résumé de l'émission
La mémoire tragique du départ
Pour partir il faut un port une gare un aéroport, il faut franchir une frontière, un guichet, une barrière, un sas, un check point, et puis il faut souvent franchir des montagnes, des gouffres, des ravins, des crevasses, traverser des océans, des fleuves, des déserts, longer des routes et des chemins.
Pour partir il faut un train, un avion, un bateau, un car, une voiture, un radeau. Mais certains partent à pied.
Pour partir il faut s’arracher, quitter son nid, son pays, son enfance, son berceau, sa langue, sa culture. Mais beaucoup ne voudraient pas partir. Ils voudraient s’agripper à leurs racines, à leur nid, à leur pays, à leur berceau, à leur enfance, au chemin de leur école, à leur famille, à la langue et au cimetière de leurs ancêtres.
Pour partir il faut un sac, une valise, un baluchon. Mais beaucoup voyagent sans bagages.
Pour partir il faut un but, une destination, un point d’arrivée. Mais beaucoup partent en aveugle, simplement pour ne pas mourir.
Pour partir il faut de l’espoir. Celui d’un monde meilleur qui ne soit pas ravagé par la guerre, par la violence et par la faim. Mais certains partent sans illusions.
Pour partir, il faut partir. Mais certains ne partent pas. Alors quand ils ne partent pas pour de bon, ils partent en rêve, avec les bottes de sept lieues, sur les tapis volants des contes de leur enfance. Ils sont décoiffés par le vent de la liberté.
Pour partir il faudrait être libre de ne pas partir, de ne pas pleurer, de rester. Mais beaucoup ne sont libres de rien. Et pour ceux qui sont vraiment partis, la haine qu’ils ont cru quitter en partant, ils la retrouveront en arrivant à l’autre bout du monde tant il est vrai qu’elle est la religion des barbares et des imbéciles.
Jean-Pierre Guéno