Le bug de la tergiversation (2)

21oct12h5513h00Le bug de la tergiversation (2)12h55 - 13h00(GMT+02:00) AnimateurGueno Jean-PierreÉmissionInstants d’Histoire

Résumé de l'émission

Le bug de la tergiversation (2)

Le 8 janvier 2021 j’avais publié sur les réseaux sociaux « le bug de la tergiversation » https://www.linkedin.com/pulse/le-bug-de-la-tergiversation-jean-pierre-gu%25C3%25A9no/?trackingId=8CKFfPwnR9Cb%2FbYJNbEiNQ%3D%3D

C’était un an avant l’invasion à grande échelle de l’Ukraine entreprise par la Russie le 24 février 2022. Depuis, le bug de la tergiversation joue des prolongations puisque nombre d’intellectuels ou d’élus français continuent à relever une vieille coutume injustement réputée comme gauloise : ils tergiversent, ils se dérobent. Ils se comportent en orfèvres prudents, ne cessant de s’enfoncer dans leur petit confort personnel, de calculer ce qu’ils pourraient avoir à perdre, se projetant avec une lenteur calculée dans la dialectique du détour et du faux fuyant, adoptant l’attitude de Ponce Pilate qui finit par se laver les mains des problèmes de son temps et par accepter l’inacceptable. Tous les alibis sont bons et justifient le recours à des néologismes : le risque « escalatoire », le passé non angélique des Ukrainiens, le danger de la « cobelligérance », l’impérialisme sournois des Américains. Plus de 7.000 civils, plus de 100000 jeunes Ukrainiens et plus de 180000 jeunes Russes ont été tués en Ukraine depuis le début de l’invasion russe le 24 février 2022, selon un décompte effectué par le Bureau des droits de l’homme de l’ONU et selon la Norvège. Poutine a réactivé les Goulags de Staline pour étouffer l’indignation des dissidents qui veillent sur l’âme de son propre peuple et il a rallumé la guerre pour sacrifier à ses ambitions la jeunesse de son pays. Retour sur les années 30 : Hitler et Staline gagnent du terrain. Le premier met en place un régime dictatorial, violent, antisémite, raciste et conquérant finit par édulcorer la violence de la première version de « Mein Kampf » publié en 1925.

Le second gouverne par la terreur, par la contrainte et par la famine. L’un et l’autre misent sur la lâcheté, sur la somnolence, sur la mollesse des « élites » internationales ou présumées telles. Et quand un homme surgira du bois de l’indignité, encore jeune général de brigade à titre provisoire, tout le monde oublie de rappeler qu’il sera conspué par Pétain comme par nombre d’intellectuels français, accusé d’avoir volé ses décorations à Verdun en 1916, d’avoir pactisé avec la perfide Albion en 1940, de s’être rebellé contre le pouvoir en place, d’avoir déserté en Angleterre avant de faire couler le sang français outremer. Après son appel du 18 juin 1940, en l’espace de quelques mois, de Gaulle perd tout.

Sept généraux en grand uniforme rassemblés au Palais de justice de Toulouse jugent par contumace le «rebelle de Londres» pour «refus d’obéissance et incitation de militaires à la désobéissance», et le condamnent à quatre années d’emprisonnement et à cent francs d’amende avant qu’une autre cour martiale, réunie cette fois à Clermont-Ferrand ne le condamne à mort, en le dépossédant de ses biens et de son grade . Le cerise sur le gâteau ? Le décret signé par le Maréchal Pétain en date du 8 décembre 1940 qui fait du général de Gaulle un apatride en le dépossédant de sa nationalité à titre rétroactif. Ils n’ont jamais cessé les procès d’intention qui continuent à essayer de discréditer l’action du sauveur de la France et qui ont la vie dure si l’on en croit le livre « Philippe Pétain, Charles de Gaulle et la France » publié par Henry d’Humières en 2007.

Ce colonel à la retraite cherchait à réhabiliter le Maréchal Pétain comme d’autres cherchent aujourd’hui à réhabiliter Poutine et vilipende les « actions criminelles de Charles de Gaulle du 22 juin 1940 à 1945 ». Il faut être très courageux pour oser dire non, comme le firent Charles de Gaulle et Jean Moulin au risque de tout perdre. Ou tout simplement innocente, humble et spontanée à l’exemple de Ginette Guy, future maman de l’historienne et journaliste Nicole Bacharan qui s’engagea dans la résistance à moins de vingt ans, et qui n’est aujourd’hui sauvée de l’oubli que grâce à l’amour de sa fille. Le tribunal de l’histoire jugera et vomira un jour les tièdes d’aujourd’hui, ceux qui « tergiversent » à n’en plus finir et qui ne comprennent pas que rien ne justifie la barbarie lorsqu’elle réveille les cavaliers de l’apocalypse.

Jean-Pierre Guéno

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