Le bug de la tergiversation
Résumé de l'émission
Il se pourrait que le bug du 21ème siècle ne soit pas le mythe de celui de l’an 2000, qui était censé porter sur le format de la date dans les mémoires des ordinateurs, mais celui de la tergiversation. Tergiversation, du latin tergiversatio « tergiversation, lenteur calculée, détour ». Le mot désigne l’ensemble des moyens mis en œuvre pour éluder ou retarder une décision, une réponse, un engagement précis. Il a des synonymes terribles : « atermoiement, dérobade, faux-fuyant, louvoiement ». On en aboutirait presque à la procrastination, le fait d’ajourner, de remettre au lendemain ce que l’on pourrait faire dans l’instant. L’air du temps est à la tergiversation. Judiciarisation aidant, le fait de recourir de préférence à des solutions judiciaires pour régler des litiges plutôt qu’à l’accord amiable ou à la médiation. D’un côté la nouvelle signature de la marque Peugeot « Motion & e-motion » qui revendique la transition vers la voiture hybride ou électrique. De l’autre celle qui pourrait parapher la posture de nombre de leaders, élus ou proclamés : « Inhibition et tergiversation ». Le principe de précaution appartient à la novlangue de l’inaction. Il justifie toutes les lenteurs. Il exclue, il diabolise la notion de prise de risque, inhérente à la vie. Procréer ? C’est une prise de risque. Entreprendre ? C’est une prise de risque. S’engager ? C’est une prise de risque. Décider ? C’est une prise de risque. A force de ne pas gouverner, ceux font mine de diriger prennent un risque fatal et bien supérieur à tous les autres : celui de se conduire en irresponsables, en individus qui à force d’avoir peur de leur ombre finissent par devenir les chevaliers du chaos. Comme dans toutes les crises, chacun renvoie la patate chaude à son prochain : les civils aux militaires et réciproquement. Les politiques aux administrations et réciproquement. Le secteur public au secteur privé et réciproquement.
Ce comportement contagieux conduit à la stérilité. Faute de produire des actes, on adopte alors des règles et des lois qui cherchent à rassurer, à justifier l’injustifiable, à donner un sens technocratique à l’incohérent. Ces pratiques délétères risquent de conduire au virus antique de la superstition, redonnant la main aux chamanes, aux apprentis sorciers et aux voyants en tous genres et nous renvoyant vers ce que nous avons de plus primitif. L’anagramme de Chauve souris, c’est « souche à virus ». Ainsi l’épopée de la pandémie rejoint celle des vampires. Il serait temps de réveiller nos intelligences et de rappeler que l’inquiétude protège de la somnolence, qui sert d’antonyme à la vigilance. Nous avons besoin de caps, de plans de vol. Nous avons besoin de souffle pour avoir des objectifs à projeter, à partager. Nous avons besoin d’échapper à l’apesanteur comme à la pesanteur, pour retrouver le vrai sens de la légèreté et pour échapper à tous les simulacres de l’agilité qui n’aboutissent qu’à la dérobade. Nous avons besoin de cesser de patiner dans les ornières de l’hésitation, du doute stérile inhibiteur et paralysant de ceux qui en réalité trop souvent ne doutent de rien, par manque de ce qui leur manque : la maturité. Nous avons besoin d’un double vaccin qui nous réunisse enfin en nous protégeant à la fois de la covid 19 et de la tergiversation.