Le dernier combat du catcheur
Résumé de l'émission
Qui a dit qu’un catcheur n’est qu’un simulateur et n’a rien à voir avec un boxeur ? Je suis catcheur. Mon corps, c’est mon outil de travail. Mon capital s’accroit dans mes biceps et dans mes muscles abdominaux. Je suis un comédien plus qu’un bretteur. Le catch relève de l’acrobatie, du théâtre, de la mise en scène, du ballet et de la chorégraphie plus que de la compétition. Les duels et les KO y sont arrangés, scénarisés. Les catcheuses et les catcheurs sont des acteurs. Ils coopèrent pour assurer le spectacle et raconter une histoire faite de complots, de vengeances, de retournements. Leur connivence leur permet de calculer, de doser la violence de leurs gestes pour éviter d’être blessés. Quand le combat semble sérieux, il n’est qu’arrangé. Il s’agit d’un grand guignol pour adultes qui tient du sport et du spectacle. Avec ses gentils, ses méchants. Et toute le monde fait semblant d’y croire et d’être dupe. L’arbitre, les catcheurs, les spectateurs. Alors que la boxe relève du tragique, le catch relève du comique. Je suis catcheur. Dans ma vie comme sur le ring. Rien n’est le fruit du hasard. Je passe le temps à me donner le change, à feindre, à singer le réel. J’entretiens mon insouciance en simulant la colère, en faisant du cirque. Mais un jour, un adversaire a semblé surgir de nulle part. J’avais l’impression de vivre dans un rêve. C’était un match sans arbitre, sans présentateur, sans spectateurs. Mon adversaire était masqué et déguisé. Il avait quelque chose de féminin. Nous étions seuls face à face. Le compte à rebours avait commencé. J’étais inscrit sur son carnet de danse. Elle portait une couronne. Elle était souriante. Elle avait des yeux de glace qui me transperçaient l’âme. Elle semblait lire en moi. En quelques secondes elle semblait avoir vampirisé ma mémoire. Je régressais devant elle. Je n’étais déjà plus qu’un enfant qui trébuche et ne sait plus marcher. Elle m’imposait sa chorégraphie. Chacune de ses attaques semblait raccourcir le peu de temps qui me restait à vivre. Chacun de ses gestes évoquait le souffle de la faux. Elle n’avait même pas besoin de me toucher, de m’empoigner pour me voler mes ceintures de victoire. Au fil des reprises, mon corps se refroidissait, mes muscles se grippaient. Je suffoquais. Elle était l’inverse de cette accoucheuse, de cette sage-femme, de cette passeuse de vie qui avait accompagné ma mère lors de ma naissance. Elle venait me reprendre. Elle allait jusqu’à me voler mon dernier souffle, dans un ultime baiser, dans un tourbillon vertigineux qui n’aurait pas de fin. J’en étais sûr à présent. J’allais mourir asphyxié, étouffé sous le poids de l’infinie solitude. De ceux qui ont toujours fait semblant d’aimer parce qu’ils n’aimaient qu’eux-mêmes. de ceux qui ont toujours cultivé le paraître au détriment de l’être.