Le lien des âmes
Résumé de l'émission
Une belle personne n’est pas seulement une femme attirante ou un homme avenant. Cet anglicisme de nice person, beautiful person, ne désigne pas des qualités physiques ou esthétiques mais des qualités humaines et morales. Une belle personne, c’est une belle âme. Il en va de même avec le charme ; Il est des gens présumés laids qui ont du charme. La beauté intérieure n’est pas forcément en lien avec celle de l’enveloppe charnelle. Dans La princesse sur un pois, le prince d’Andersen cherchait la sensibilité de celle qui deviendrait sa princesse. Elle seule serait la « princesse véritable ». Celle que la présence d’un pauvre petit pois sous plusieurs couches de matelas empêcherait de dormir : noblesse de cœur plus que noblesse de sang. L’âme c’est sans doute le souffle de l’empathie, la respiration de l’altruisme, de la bienveillance et du désintéressement qui est la preuve du véritable intérêt pour autrui. Et sans âme, pas d’états d’âme. Pas de regrets, pas de remords, pas de repentirs, pas de compassion. Nous sommes tous à priori allergiques à nos corps et à nos voix. Il nous faut du temps pour apprendre à habiter nos écorces terrestres. A les accepter. Longtemps elles nous donnent des complexes. Jusqu’à ce que nous soyons suffisamment intéressés par l’autre et par les autres pour prendre un peu de distance vis-à-vis de nous-mêmes. Il nous faut alors partir en chasse, nous transformer en orpailleurs. Aller à la recherche des pépites humaines. Devenirs des explorateurs du vrai lien. Il est là le véritable territoire du chercheur d’or. Trouver quelque chose de plus impalpable que tous les métaux précieux du monde ou que la chair lorsqu’elle exulte. Aucun algorithme ne peut révéler ce genre de richesse intérieure et toute immatérielle. Il faut la magie d’une rencontre. Il faut ensuite l’épaisseur du temps. La fusion des corps conduit parfois à celle des âmes. Mais elle n’en est pas la condition sine qua non. Et quand les corps s’épuisent, les âmes demeurent. Elles peuvent continuer à s’étreindre les âmes, prouvant ainsi à quel point l’amour et l’amitié ont des racines communes. Nous passons noter vie à rechercher l’âme sœur, l’âme jumelle. A découvrir à quel point « je » n’est pas seulement « un autre » comme l’écrivait Rimbaud, mais « l’autre » tout simplement. A moins qu’il ne faille convoquer Paul Verlaine, lui qui faisait souvent ce rêve familier, ce rêve étrange et pénétrant d’un être inconnu, et qu’il aimait, et qui l’aimait, et qui n’était, chaque fois, ni tout à fait la même, ni tout à fait un autre, et l’aimait et le comprenait. Verlaine qui avait été un enfant mal aimé, un « pauvre Gaspard Hauser». Les hommes des grandes villes ne l’avaient pas trouvé malin. Les femmes qui le troublaient ne l’avaient pas trouvé beau. Il avait mis du temps à trouver son âme : dans l’âme sœur de sa cousine Elisa qui avait été la petite fille penchée sur son berceau, le jeune fille penchée sur son enfance et la jeune femme penchée sur son adolescence.