Le lien des paysages et des mots
Résumé de l'émission
Le lien des paysages et des mots
Il suffit de fermer les yeux. Des images se forment. Le film est muet. Il n’y a plus la bande son qui accompagnait le défilement de la pellicule à l’époque de la projection des films en 35 millimètres de mon enfance. Fini le staccato. A l’ère de l’image numérique Il peut ne pas y avoir de son. Les 0 et les 1 adorent le silence. Les images défilent. D’abord des paysages. Des immeubles effondrés, des cheminées blessées, des fenêtres crevées, des murs abattus, des trous dans le béton, des toits éventrés, des poutres chavirées ou calcinées, des cloisons arrachées, des étages béants, des plafonds en morceaux, des portes défoncées, des vitres éclatées, des escaliers cassés, des parquets mutilés, des rideaux déchirés, des lits et des meubles renversés, des berceaux écrasés, des jouets abandonnés, des plâtres ensanglantés. Un paysage de fin du monde. Et puis des mots, autant de détails, d’effets de zoom qui fixent les contours : ruines, guerre, chaos, gravats, débris, décombres, cendres, flammes, poussière, fumées, puanteur. Alors ces images en évoquent d’autres. Guernica 1937 ; Londres 1940 ; Saint-Nazaire 1942 ; Hambourg 1943 ; Varsovie, 1939/1945 ; Stalingrad 1942/1943 ; Le Havre 1944 ; Dresde, Tokyo, Hiroshima et Nagasaki 1945 ; Quang Tri 1972 ; Vukovar 1991 ; Sarajevo 1993 ; Alep 2012/2016. Mais il ne s’agit pas des grands bombardements liés à la seconde guerre mondiale ou aux tragédies qui n’ont jamais vraiment cessé depuis cinquante ans, au Viêt Nam, en Croatie, en Bosnie-Herzégovine ou en Syrie. Il s’agit d’aujourd’hui. Il s’agit des bombes incendiaires, des missiles, des obus à sous-munitions et des mines dont 7000 ukrainiens ont été victimes depuis douze mois. Il faut pulvériser ou carboniser les civils, éventrer et défigurer les femmes, mutiler les enfants. Celles et ceux par exemple de la ville de Marioupol, ville Ukrainienne de 430000 habitants, presque aussi peuplée que la ville Toulouse qui en compte 500000, et détruite aujourd’hui à 90%.
Jean-Pierre Guéno
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