Le lien du miracle

Le lien du miracle

Qui n’a pas rêvé d’une colle magique, d’un produit ou d’un procédé miracle pour effacer les fêlures de la porcelaine, les rayures sur le verre de nos montres et de nos lunettes, les accrocs sur le tissu ou sur la laine de nos vêtements, sur les cuirs de nos fauteuils et sur les tapis de nos billards, comme nous savons le faire lorsque nous masquons les fissures de nos murs et des joints de nos carrelages, lorsque nous camouflons les rides de nos épidermes sous la pâte des enduits, des silicones ou sous des couches de fard. Qui n’a pas rêvé d’un onguent salvateur pour apaiser, pour atténuer, pour éteindre la morsure d’une brûlure ? Il arrive qu’un lien fusionnel soit compromis, et qu’une fracture, qu’une déchirure engendre une plaie ouverte ou au contraire intérieure, invisible et secrète.

Il faudrait pouvoir recoudre, repriser, rapiécer, raccommoder, combler ou ressouder les éclats comme on le fait sur les pare-brise avant qu’ils ne se cassent. Il faudrait pouvoir gommer nos cicatrices, purger, désinfecter nos abcès, assainir nos pensées croupies, neutraliser nos souffrances, dissiper nos états d’âme, détendre nos cous raides, nos muscles crispés, nos dos et nos squelettes coincés, dénouer nos boules au ventre, dissoudre nos angoisses et retrouver le pouvoir et l’envie de sourire. Retrouver la sensation du regard, de la caresse ou du baiser maternels qui abolissaient tous les nuages, tous les chagrins dans un frisson de plénitude. Retrouver le lissage du vent qui efface la trace de nos pas sur le ventre des dunes.

Jean-Pierre Guéno