L’esprit de Noël

29avr12h5513h00L’esprit de Noël12h55 - 13h00(GMT+02:00) AnimateurGueno Jean-PierreÉmissionLe souffle du Diable et le soupir de Dieu

Résumé de l'émission

L’esprit de Noël.

« Profite ! Profite ! » tels sont les vœux de plus en plus fréquents échangés dans la vie courante comme entre Noël et le Nouvel an. Des vœux consacrés à l’avoir et non à l’être. Des vœux qui souhaitent la réussite matérielle en délaissant la réussite spirituelle. L’errance du temps qui se substitue parfois à l’air du temps nous a fait connaître en 2020 la politique du “quoi qu’il en coûte” qui venait pulvériser le concept du « juste prix ». Le juste prix : bien avant de devenir en 1987 un jeu télévisé importé des USA, et qui symbolisait le triomphe de la société de gaspillage et de consommation sans frein, le « juste prix » évoquait la valeur intrinsèque d’un bien. Les premières formes de sociétés primitives proscrivaient le principe du gain dans les transactions portant sur les aliments, c’est-à-dire sur ce qui était indispensable à l’homme pour vivre. Les sociétés qui ont succédé ont cessé de condamner l’opprobre attaché au gain en ayant recours à la notion du juste prix qui s’opposait à la notion contemporaine du « prix du marché ».

Le « juste prix » est une notion inspirée d’éthique et de justice qui implique un véritable échange et non un préjudice au détriment de celui devient la victime du profit de l’autre. Il faut distinguer ici la transaction légitime de celle qui ne l’est pas. Ici, l’on en vient naturellement à opposer le salaire au profit. Le salaire, c’est la rémunération d’un travail. Le profit, c’est un gain matériel qui récompense souvent la spéculation au détriment du travail. Le salaire est régulier là où le profit est aléatoire et hasardeux, puisque étant le fruit d’une mise et d’un pari. Quand la notion de salaire devrait être indissociable de celle de partage des justes revenus du travail, celle de profit implique de restreindre la part de l’un pour accroître celle de l’autre. La financiarisation de la société qui consacre la suprématie du capital sur le travail transforme notre monde en gigantesque casino peuplé de jeux de roulettes et de bandits manchots, de « gagnants » et de perdants. Tout profit s’exerce forcément au détriment de quelqu’un. La loi de la jungle fait du concept « gagnant-gagnant » une imposture et une supercherie. A cet égard, la société de gabegie du “quoi qu’il en coûte” qui ne tarde jamais à redevenir celle du « combien ça coûte » et de la restriction sélective qui accroît les inégalités et la pauvreté des démunis semble bien anachronique et bien incompatible avec ce que certains appellent « l’esprit de Noël ».

L’esprit de Noël ? Celui d’une trêve hivernale, celui du triomphe du mérite, de l’altruisme et du partage, de l’esprit de communion et de solidarité autour de la naissance d’une enfant qui devient le symbole de la renaissance universelle, de la rupture de toutes les formes d’isolement. Le triomphe des valeurs de l’innocence. L’échec provisoire des conséquences du machiavélisme. La suprématie éphémère des valeurs du bien sur celles du mal. Fassent le Père Noël pour les uns, l’enfant Jésus pour les autres qu’à l’approche de l’an neuf, les vœux échangés entre Noël et le Nouvel an se transforment en « Deviens ! Deviens ! » ou encore en « Partage ! Partage ! » et que nous réalisions enfin que « bien mal acquis ne profite jamais » est un proverbe qui relève du pléonasme dès lors que toute forme de profit consiste à tirer sur soi la couverture et à cesser de la partager avec son voisin par nuit de grand froid. Jean-Pierre Guéno