L'ossuaire de Douaumont

03sep12h5513h00L'ossuaire de Douaumont12h55 - 13h00 AnimateurGueno Jean-PierreÉmissionInstants d’Histoire

Résumé de l'émission

La mémoire de l’ossuaire de Douaumont

Ma radio de service public préférée nous a appris récemment que « l’ossuaire de Douaumont fêtait ses 90 ans ». Sans doute une belle occasion de danser sur le rythme endiablé de la danse macabre. Camille Saint-Saëns a certainement apprécié depuis son cimetière du Montparnasse. Double incorrection de la part du journaliste. Un ossuaire relève par excellence de l’inanimé et ne saurait fêter quoi que ce soit. Et puis faut-il parler de fête à propos des restes de 130000 soldats inconnus dont on ne sait plus s’ils sont français ou allemands parce qu’ils ne sont pas identifiables. C’était effectivement la fête des poilus des deux camps à Verdun, dans une bataille stérile qui a vu 53 millions d’obus labourer un champ de bataille de 40 km2, une bataille sans vainqueurs ni vaincus qui a fait plus 700 000 morts disparus ou blessés en moins de huit mois. Cet ossuaire nous rappelle qu’un tiers des 1,5 millions de poilus français tombés pendant la grande guerre n’ont jamais été identifiés et n’ont donc jamais pu être rapatriés dans leur cimetière de famille. La tour de 46 mètres qui surplombe l’ossuaire est d’un goût discutable : elle évoque un peu la forme d’un gigantesque obus posé sur sa base, tourné vers le ciel et entouré de 16000 tombes. Le bâtiment de l’ossuaire mesure plus de 130 mètres de long. Les os y sont en partie visibles, à travers des vitres. Ils sont répartis dans 46 tombes communes correspondant à 46 secteurs du champ de bataille. Dans chaque alvéole, des verrières projettent sur les tombeaux une lumière rouge, symbole du sacrifice. Chaque tombeau surplombe une fosse de 14 m3 et à chaque extrémité du cloître, un caveau de 350 m3 accueille les surplus des secteurs les plus chargé. On imagine les morts vivants sortant de leurs tombes de leurs fosses communes et de leurs ossuaires et formant une grande cohorte pour rentrer chez eux tels des sacs d’os animés comme dans le film « J’accuse » d’Abel Gance.  C’est la « Teuf » macabre, la danse de l’enfer. Les os s’y entrechoquent au son du xylophone. Personne ne parle des 300 000 femmes crucifiées par la disparition de leur fils, de leur mari, de leur fiancé, de leur père, de leurs oncles, ou de leurs frères. On les imagine dansant entre elles pour se consoler comme le faisaient les femmes du peuple au temps jadis dans les bals populaires.

En 2014, un supermarché de Verdun avait utilisé l’image de l’Ossuaire de Douaumont pour vanter les mérites des produits de charcuterie locaux dans son catalogue. Il s’agissait de “mettre en avant les produits meusiens et les monuments de Verdun “. C’est donc pour défendre deux aspects du terroir de la Meuse que l’image du monument commémorant la mort de 700.000 combattants avait été imprimée aux côtés de saucissons et de pâtés.

Jean-Pierre Guéno

Réécouter l'émission