Le 4 mars 2024, le Parlement français s’est prononcé pour l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution. À cette occasion, les religions ont été présentées comme un bloc « contre » cette démarche. C’est inexact en ce qui concerne le protestantisme français.
Si la question fait l’objet de positions nuancées parmi les protestants, les Églises membres de la Communion Protestante Luthéro-Réformée (CPLR) tiennent à rappeler que très tôt, les droits des femmes ont été un véritable enjeu en protestantisme. C’est en son sein qu’est créé en 1946 le mouvement féministe « Jeunes femmes », qui participera en 1956 à la création de l’association « La maternité heureuse », et deviendra, en 1960, le Mouvement français pour le planning familial. Et sur les vingt-deux femmes du conseil d’administration, la moitié était protestante.
À une époque où la contraception était interdite, l’avortement pénalisé, et où de nombreuses femmes mourraient des suites d’avortements clandestins, des protestantes se sont battues pour que ce contrôle social du corps des femmes cesse, au profit d’un vrai accès à l’autonomie et à la responsabilité. Dès 1988, le théologien protestant André Dumas écrivait que « le soutien à la loi sur l’interruption volontaire de grossesse devait mettre fin au fléau social de l’avortement clandestin, quand la détresse l’emporte sur l’espoir […]. Une clarification est alors nécessaire : les options protestantes ne sont nullement un laisser-aller au laxisme morne, mais un appel à la responsabilité, à ce que j’appellerais volontiers les égards envers l’autre, au cœur de l’amour. »
Les protestants considèrent que chacun et chacune est responsable devant Dieu de ses paroles comme de ses actes. Aussi, ils et elles se reconnaissent davantage dans un incessant débat éthique, ajusté à la vie, que dans une position morale arrêtée une fois pour toutes. La vocation des Églises est d’aider chacune et chacun à se déterminer au mieux dans toutes les situations de sa vie.
Le droit pour toute femme de faire ses propres choix de vie est inaliénable. Fallait-il l’inscrire dans la Constitution française ? Parce que ce droit est en danger dans de nombreux pays, c’est un moyen de le préserver. Mais au-delà de la protection de ce droit, il importe que soient mis en place dans notre pays les moyens pour l’exercer.
Emmanuelle SEYBOLDT, pasteure
Présidente du Conseil national de l’Église protestante unie de France
Christian ALBECKER,
Président du Conseil de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine