Une fois n’est pas coutume, Thomas Perroud a reçu dans “Anachroniques”, son émission consacrée aux primo-romanciers, Maurizio Serra, élu à l’Académie française en 2020, au fauteuil de Simone Veil, et auteur d’une importante bibliographie.
Le succès des grandes biographies dissimule souvent un certain nombre d’écueils que rencontrent leurs auteurs : trop hagiographique, trop vitriolique, trop touffue, trop romancée, la biographie semble toujours devoir le céder à l’une de ces pentes glissantes. Mais rendre la vie à une figure du passé, soulever la dalle sous laquelle repose, et pour combien de temps, la personne évoquée, sans céder à l’une de ces tentations, voici le défi auquel tout biographe doit faire face.
En consacrant à Gabriele D’Annunzio sa troisième biographie d’écrivain italien, après Curzio Malaparte et Italo Svevo, Maurizio Serra relève le gant avec brio.
Dans cette nouvelle version au format poche, augmentée de près de 100 pages, Maurizio Serra trace le portrait de cet homme « magnifique » qui fut à la fois écrivain poète, dramaturge, journaliste, et chef d’un état éphémère, commandant, soldat sans complaisance ni acrimonie.
Magnifique à sa manière de conteur au style ourlé, Maurizio Serra ressuscite pour nous la figure du poète francophile en le resituant dans son époque troublée. A travers des tranches de vie qui nous le présentent tour à tour pourchassant les femmes et pourchassé par les dettes, auteur à succès et dramaturge en panne d’inspiration, ce livre se tient sur un fil ténu entre la ferveur et l’opprobre.
Immense écrivain rendu à ses œuvres aujourd’hui méconnues, D’Annunzio aurait pu faire l’objet d’une admiration oublieuse des turpitudes d’un homme qui fut coureur, aussi infidèle en amour que loyal en amitié, tenté par le culte du surhomme et ennemi des totalitarismes, s’opposant à la fois à Mussolini qu’il tutoie et Hitler qu’il abhorre.
C’est là peut-être la plus grande force de cette œuvre : ressusciter Gabriele tel qu’en lui-même, fatalement magnifique, comme une main tendue de l’Italie des poètes à sa sœur latine.
Il ne fallait rien de moins que la force d’un thaumaturge, l’Immortel Maurizio, pour réussir ce tour de force.
D’Annunzio le magnifique, Maurizio Serra, éditions Grasset, 800 pages, 13 euros.
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