Fréquence Protestante perd une fois encore un ami, en la personne de Jean-Noël de Bouillane de Lacoste, ancien président de la radio.
Il comptait parmi les virtuoses dont notre pays possède le secret : pas d’afféterie, ce décrochez-moi ça dans le geste qui signe ceux dont la branche prend racine aux plus hautes destinées du Moyen-âge, un sourire à plusieurs tons – la bonhommie, l’indifférence ou l’humour, cela, sans doute, comme tant d’autres choses lui venant de longues nuits à négocier – la bienveillance enfin, sincère, durable, indispensable passeport face aux désastres du monde.
En écoutant cet ambassadeur de France évoquer les Affaires, on se croyait projeté dans quelque salon de Vientiane par un soir de mousson, dans un palais de Tunis parsemé d’ocres et de pourpre, initié même aux subtilités pékinoises. Mais quand Jean-Noël Bouillane de Lacoste murmurait « nous » en désignant la France, on ne pouvait s’interdire d’être ému, bercé par la grandeur assumée de notre « cher et vieux pays ».
Il ne s’en vantait pas mais, jeune conseiller à Santiago du Chili le 11 septembre 1973, notre homme avait protégé de nombreux opposants au coup d’État du général Pinochet – avec l’assentiment de son ministre de tutelle, dont le libéralisme politique doit être ici rappelé, Michel Jobert. De cela comme de beaucoup d’autres événements, Jean-Noël parlait comme d’une évidence, d’un devoir.
Il est permis de penser que son ancrage spirituel tenait une place dans cette façon d’être. Protestant très engagé dans son Église, Jean-Noël agissait de façon déterminée mais discrète. Il fut président de Fréquence Protestante au mitant des années 2000, offrant sa disponibilité sans compter. « Bouillane », comme le surnommaient, affectueux, les aînés de notre radio, donnait des conseils, des recommandations, toujours animé d’une confiance qu’il ne fallait pas confondre avec de la complaisance. On se rappelle aussi les chroniques, toujours éclairées, précises, qu’il publiait dans l’hebdomadaire Réforme au sujet de l’actualité diplomatique…
Il est des saisons cruelles à ceux qui restent.
Frédérick Casadesus