Le chemin des historiens s’affranchit parfois des conformismes. Avec esprit de sérieux, Pascal Ory laisse vivre son imagination, son sens du doute, on ose dire sa fantaisie. L’homme qui, sous la direction de Jean Delumeau, puis aux côtés de René Rémond, travailla d’abord sur les mouvements de collaboration depuis longtemps consacre l’essentiel de ses analyses aux pratiques et représentations de la culture. Mais il agit de manière si libre que le terme « d’éclectisme » paraît faible. Une histoire du Palais de Chaillot côtoie, dans la bibliographie de notre invité, le récit des années 1970 – un très beau livre intitulé L’entre-deux mai – le portrait de Paul Nizan, celui de René Goscinny, le décryptage du Discours gastronomique français des origines à nos jours, et même un ouvrage qui croise, navire solitaire étonnant, la philosophie, la théologie, la poésie : « Jouir comme une sainte, et autres voluptés ».
Publiant Qu’est-ce qu’une Nation ? (Gallimard, 465 p. 28 €) Pascal Ory se penche sur un trait d’époque, une question de notre temps. Ce que certains acteurs politiques et leurs commentateurs appelaient « souverainisme » est à la mode. En posant de nouveau la question de Renan, l’historien réhabilite un concept aux mille tournures. Il propose un chemin d’avenir à sa façon, sans rien qui pèse ou qui pose, mais avec précision, rigueur et profondeur de champ. Son propos le conduit à rendre hommage aux pays de culture protestante. Une raison supplémentaire pour écouter cet homme de science qui n’aime rien tant que le pas de côté.
Un entretien à retrouver dans le prochain numéro d’Une heure avec…, animé par Frédérick Casadesus et diffusé le 28 novembre 2020 à 20h00 sur 100.7 FM et à réécouter en podcast ici.