Un hommage sous forme de chronique à René Guitton
Médias et réseaux sociaux : le lien occasionnel du néant.
Lorsque j’étais enfant, puis adolescent, j’entendais souvent parler d’un académicien nommé Jean Guitton « philosophe et écrivain catholique français, membre de l’Académie française, mort le 21 mars 1999 à Paris 5ᵉ. » J’étais moi-même le filleul d’André Frossard, un autre Académicien, un autre écrivain catholique connu pour son Dieu existe, je l’ai rencontré.
Et puis ma vie m’a donné le plaisir de faire la rencontre de René Guitton alors que je dirigeais les Éditions de Radio France entre 1997 et 2008. J’ai fait sa connaissance en l’an 2000 alors qu’il dirigeait les Éditions n°1. Nous avons coédité sur mon avec idée avec France Inter La mémoire de l’encre, les 365 plus belles pages de la littérature française, sorte de bibliothèque idéale rêvée par les grands invités et par les grandes relations de Jacques Chancel, écrivains, penseurs, personnalités politiques, comédiens, journalistes… Une amitié est née. Nous nous sommes ensuite souvent croisés avec René dans des salons du livre.
René Guitton était éditeur, auteur, spécialiste des religions. Il avait commencé sa carrière comme journaliste et producteur au sein du groupe RTL-CLT. De 1976 à 1983, il avait été directeur de la production puis directeur général des services créatifs de la société Polydor, puis directeur général du Carrère Disques, Télévision puis Édition.
Président des Victoires de la musique en 1992, il avait rejoint le groupe Hachette en 1995 comme directeur général des Éditions No 1 avant de devenir directeur de collection aux Éditions Calmann-Lévy et de ne se consacrer qu’à son œuvre. Auteur d’une vingtaine de livres, présélectionné au prix interallié 2015, lauréat de cinq prix littéraires parmi lesquels “Si nous nous taisons“, Prix Montyon de littérature et de philosophie de l’Académie Française, Prix Lyautey de l’Académie des sciences, et prix Liberté. “Ces Chrétiens qu’on assassine“, prix des Droits de l’Homme, chercheur et voyageur inlassable René Guitton avait étudié les grands courants religieux monothéistes, la philosophie et les systèmes de pensée. Défenseur ardent de la dignité humaine, passeur infatigable des religions et des cultures entre les peuples, il œuvrait depuis de nombreuses années pour un dialogue philosophique, spirituel et religieux entre l’Orient et l’Occident.
Membre du réseau mondial d’experts de l’Alliance des civilisations des Nations unies, il était également Délégué Exécutif de la Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme – LICRA.
René Guitton est mort de la COVID le 9 mai 2023. Sa famille et les Editions Calmann-Lévy ont publié son acte de décès le 15 mai 2023 dans le Figaro. Depuis curieusement : No News. Silence Media. Aucun écho dans la presse en dehors du carnet du jour du Figaro. À l’heure où j’écris ces lignes, mon ami René Guitton est mort depuis 11 jours. J’ai essayé de signaler l’événement à l’AFP et au journal Le Monde. Ces supports de communication sont devenus des forteresses étanches : il est paradoxalement très compliqué de leur faire passer des scoops et informations. Quand il n’est pas saturé, le PAF, les chaînes d’information continue et les réseaux sociaux peuvent finir par engendrer un triangle des Bermudes. Dans la rubrique « Tous » comme dans la rubrique « Actualités » de Google, la recherche du nom de René Guitton est consternante. Elle n’évoque rien de neuf depuis février 2022. L’auteur a grand succès de Ces Chrétiens qu’on assassine (Flammarion, 2009), de La France des intégristes (Flammarion, 2013), des Mémoires fauves (Calmann-Lévy, 2015), de Arthur et Paul, la déchirure (Robert Laffont, 2018) et des 100 mots de Rimbaud (Que sais-je. Presses Universitaires de France. 2020) qui avait plus récemment signé Africa avec Plantu et Cartooning for peace, (Calmann-Lévy, 2021) et Trois minutes pour comprendre 50 moments clés de l’histoire de l’Orient (Le Courrier du Livre, 2022), cet auteur n’est toujours pas mort aux yeux des médias. Son site internet personnel https://www.rene-guitton.fr est figé depuis sa disparition.
Puisse René Guitton reposer en paix, loin du grand néant qui caractérise parfois les médias et les réseaux sociaux.
Jean-Pierre Guéno