La végétalisation de la mémoire

06avr12h5513h00La végétalisation de la mémoire12h55 - 13h00 AnimateurGueno Jean-PierreÉmissionInstants d’Histoire

Résumé de l'émission

La végétalisation de la mémoire

Entre 1999 et 2001, la RATP avait réalisé 9 stations du centenaire pour célébrer le centenaire du Métropolitain parisien. Chacune de ces stations illustrait un thème : Les Tuileries : le patrimoine, Europe : l’Europe, Saint Germain des Prés : la création, Luxembourg : l’écologie urbaine, Pasteur : la santé, Montparnasse – Bienvenue : “ils font le métro” (L’histoire technique et le personnel du réseau) , Carrefour Pleyel : la musique, Léo Lagrange : le sport, et Bonne nouvelle : le cinéma. Périodiquement, l’entreprise continue à rénover ses stations, souvent de la bonne manière comme Saint Germain des Prés qui accueille depuis 2021 une fresque culturelle intitulée « Le Mythe Saint-Germain : un lexique amoureux » mettant à l’honneur des personnalités, illustres ou parfois méconnues, qui ont contribué à écrire l’histoire du quartier : Boris Vian, Jacques Prévert, Marguerite Duras, Amélie Nothomb, mais aussi Roland Topor ou encore Sonia Delaunay.

Mais la rénovation récente de la station Les Tuileries laisse pantois. De très belles décorations y retraçaient par décennies les années 1920-1970. C’était le royaume de l’histoire, de la mémoire du patrimoine et de la vie quotidienne. Et puis tout cela a disparu, évincé par « une fresque évoquant le végétal » tel que des dessins d’arbres, de feuilles et de fleurs, réalisée par Cyprien Chabert. Cette grande fresque végétale luxuriante prétend faire le lien avec le jardin des Tuileries en surplomb. On vient tout simplement de végétaliser la mémoire au lieu de continuer à l’incarner. On a remplacé la fresque historique par un herbier. Le propos est insignifiant. Prétendant rappeler les espèces botaniques du jardin, la nouvelle décoration de la station fait l’impasse sur l’histoire du lieu : la construction du palais des Tuileries au 16ème siècle, son incendie pendant la commune suivi de sa destruction totale, l’ouverture au public du jardin à la Saint-Jean par Louis XIV, et la construction des galeries de l’Orangerie et du jeu de Paume au 19ème siècle. Dans ce jardin furent abrités nombre de fêtes officielles et d’événements populaires : ascension des premiers ballons à hydrogène en 1783, premier salon de l’automobile en 1898, banquet des 22000 maires de France en 1900, attractions du bicentenaire de la Révolution en 1989. Quand les prétentions écologistes relèvent d’une salade inculte qui fait l’impasse sur l’histoire, elles relèvent du contre sens. La mémoire et l’histoire restent les conditions sine qua non du développement durable.

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