L’autre face de Jules Ferry

06mai12h5513h00L’autre face de Jules Ferry12h55 - 13h00(GMT+02:00) AnimateurGueno Jean-PierreÉmissionInstants d’Histoire

Résumé de l'émission

L’autre face de Jules Ferry

Le lien des goulags des orphelinats des cimetières et des enfants soldats

 

Jules Ferry n’a pas été seulement le promoteur de l’Ecole pour tous. Il a été le promoteur du colonialisme,  du cimetière, des orphelinats  ou de la fosse commune pour tous. 10 ans après la défaite de 1870, dans les programmes de l’école républicaine, un esprit de revanche est entretenu par des leçons de morale et un patriotisme exacerbé.

Le 18 septembre 1881, dans son Discours aux instituteurs, Jules Ferry écrit : « Nous voulons pour l’école des fusils ! Oui le fusil, le petit fusil que l’enfant peut manier dès l’école ; dont l’usage deviendra pour lui chose instructive ; qu’il n’oubliera plus, et qu’il n’aura plus besoin d’apprendre plus tard. Car ce petit enfant, souvenez-vous en, c’est le citoyen de l’avenir, et dans tout citoyen, il doit y avoir un soldat toujours prêt ». Traduire « Toujours prêt à mourir ».

Le 27 janvier 1880, une loi votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale et le Sénat rend obligatoire l’enseignement des exercices militaires dans les écoles primaires.

Aux yeux du Général Farre, le service militaire, doit, pour porter ses fruits, avoir été précédé pendant longtemps d’un « dressage préliminaire » spécial acquis à l’école.

Les bataillons scolaires envahissent l’école publique en France à partir de 1882. Ils ont pour but d’initier les élèves dès leur jeune âge à la pratique militaire. L’expérience ne dure que dix ans et prend fin en 1892. Mais les affiches qui mobiliseront 4 millions de jeunes poilus le 1er Août 1914 seront imprimées dès 1904.

On achète, pour équiper les enfants, des uniformes et des fusils en bois. Chaque bataillon est constitué de la réunion de 5 compagnies de 50 enfants, recrutés dans plusieurs écoles. Un drapeau est attribué par le ministre de la guerre à chaque bataillon, c’est l’école qui est la mieux notée aux exercices qui en a la garde. Les exercices de tir à balles réelles sont encadrés pour les plus grands.

Des « fusils scolaires » sont fabriqués, spécialement pour les enfants (taille et poids adaptés, mais présentant toutes les caractéristiques de manipulation d’une arme véritable, sans pouvoir recevoir une cartouche) .

Adaptés des modèles règlementaires 1874 ou 1874 M. 80, ces fusils scolaires sont fabriqués à 50000 exemplaires entre 1880 et 1881 . Très vite les fusils en bois ne suffisent plus.

Des modèles spécifiques capables de tirer, calqués sur les armes de guerre, mais simplifiés, sont créés pour l’entraînement. Certains préaux sont aménagés en pas de tir. La population accueille ces exercices avec bienveillance. En 1886, année où on enregistre les effectifs les plus élevés, 146 bataillons sont constitués, 49 départements sur 87 ont un ou plusieurs bataillons, 43 326 élèves sont incorporés dans ces bataillons. Les milieux catholiques ne soutiennent pas l’activité des bataillons scolaires, arguant qu’ils retiennent les enfants le dimanche et rendent plus difficile leur instruction religieuse. Ils n’acceptent pas la concurrence que leur font les bataillons scolaires auprès de la jeunesse. Les opposants au dispositif soulignent qu’il s’agit « d’une tentative dangereuse et néfaste d’endoctrinement, de militarisation et de normalisation de la jeunesse ». les critiques se font de plus en plus virulentes au sein du corps enseignant et les dépenses engendrées par les bataillons grèvent le budget des communes. L’activité des bataillons scolaires cesse progressivement entre 1890 et 1893. En 1896 est organisé le premier championnat national de tir scolaire. Les championnats de tir scolaire vont rester très actifs jusque dans les années 30.

140 ans après Jules Ferry, Vladimir Poutine vient de réintroduire la « préparation militaire de base »  dans les écoles, renouant ainsi avec la pratique des enfants soldats. Celui qui s’était déjà réinstitué maître des goulags devient celui des orphelinats et des cimetières. Il se prépare à former 140 heures par an de futurs « petits morts ». A l’heure de ce qui pourrait continuer à souder l’Europe et à renforcer la paix, suivant l’exemple de Staline, d’Hitler de Mussolini et de bien d’autres, le maître du Kremlin impose en terrorisant son propre peuple la politique des Goulags, des orphelinats, des cimetières. Il faut sous l’égide de Poutine comme sous celui de Trump apprendre à se battre et à manier les armes pour apprendre à mourir ou à tuer plus vite.

Jean-Pierre Guéno