Le cambriolage du Père Noël

04mar12h5513h00Le cambriolage du Père Noël12h55 - 13h00 AnimateurGueno Jean-PierreÉmissionLe souffle du Diable et le soupir de Dieu

Résumé de l'émission

Le cambriolage du Père Noël

Certains parmi vous ne s’en sont peut-être pas encore rendu compte : le Père Noël n’est pas reparti les mains vides, avant-hier soir, après avoir fini de déposer vos cadeaux et ceux de vos enfants au pied du sapin familial.

Cette année, le jovial barbu était encore plus rouge que d’habitude parce que rouge de colère ; on aurait pu dire cramoisi. Sa rage n’était pas tournée vers vos enfants ou vers vos petits-enfants, lesquels n’avaient pas été plus ou moins sages que d’habitude, mais vers ceux d’entre vous qui le fatiguiez ; et le mot était faible. Il avait presque failli renoncer à vous apporter, comme il le faisait depuis toujours, un présent soigneusement choisi en fonction de vos souhaits avant de l’acheminer avec toute sa détermination, avec tout son professionnalisme.

Il avait décidé de reprendre parmi les trésors les plus précieux que vous aviez pu amasser celui que vous ne méritiez vraiment plus.

Après avoir déchargé sa hotte au pied du sapin, il a un peu fouillé dans vos affaires. Il a fini par trouver ce qu’il cherchait. Votre carte d’électeur. Elle était là dans le fond d’un tiroir, coincée entre un vieux faire-part de mariage, la clef de votre coffre-fort, le certificat d’authenticité de la clef de votre porte blindée, et votre passeport. Elle n’avait pas servi depuis bien longtemps. Aucune de ses 12 cases n’avait été tamponnée. Vous aviez même omis de la signer.

Le Père Noël était « vénère » parce que vous vous comportiez  visiblement depuis des années en parent irresponsable. En ne remplissant pas votre devoir d’électeur et de citoyen, vous renonciez à jouer un rôle sur l’avenir de vos enfants lorsqu’ils n’avaient pas encore l’âge de voter, et sur celui de vos petit-enfants lorsqu’ils étaient grands. Vous leurs montriez un très mauvais exemple.

Mais le Père Noël n’était pas là pour vous donner une leçon, ni pour vous faire donner les verges par le Père Fouettard. En fin psychologue de la nature humaine il s’était contenté de vous dérober la clef de votre liberté. Il avait le secret espoir qu’en découvrant son cambriolage inattendu, et par la même occasion la disparition de votre carte d’électeur, vous en découvririez la valeur inestimable. Que vous retrouveriez peut-être la mémoire. Que vous vous souviendriez que nombre de vos ancêtres avaient versé leur sang, sacrifié leur vie pour obtenir cette carte de papier qui avait fait d’eux des citoyens.

Ne cherchez plus votre carte d’électeur. Elle est conservée au service des objets consignés, remisée parmi d’autres pièces à conviction dans les greniers du palais du Père Noël. Elle vous sera peut-être un jour ou l’autre rendue par le facteur, puisqu’elle est régulièrement renouvelée. Lorsque cela arrivera, vous pourrez en profiter pour faire un échange et pour remettre au facteur votre lettre d’adulte au Père Noël : une lettre de remerciement. J’allais oublier de vous signaler que le Père Noël a fait bon usage d’une partie des cartes dérobées : il en a doté à titre symbolique les religieuses et les autres femmes du Vatican. L’accès au collège électoral y étant réservé aux prêtres, elles y ont toujours été privées du droit d’être ordonnées et donc du droit de vote qui permet aux cardinaux d’élire le pape. Après les derniers Etats qui ont accordé le droit de vote aux femmes entre 1999 et 2011, le Quatar, Bahreïn, Oman, Koweït, les Emirats Arabes unis, le Bhoutan et l’Arabie Saoudite, l’Eglise qui est la mienne conserve un archaïsme étonnant oubliant visiblement qu’à Rome, en 1591, pendant le court pontificat du pape Innocent IX, hommes et femmes de plus de 14 ans avaient eu le droit de vote.

Jean-Pierre Guéno

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