This is a repeating event17 août 2024 12h55
Le lien de l’instant et du surgissement
Résumé de l'émission
L’instant tient du surgissement. Il exclue la prévision ou le bilan. L’instant, c’est un espace de temps infinitésimal. Il n’est même pas mesurable. Il est donc le point de convergence de l’espace et du temps, le moment précis où tout est susceptible de basculer, de nous faire perdre ou de nous faire gagner, de nous faire vivre ou de nous faire mourir. On le cueille, on en profite, on le vit ; on peut aussi l’espérer ou le redouter, l’aimer ou le haïr Mais alors c’est qu’il n’est déjà plus, qui a commencé à s’étirer et donc à se dénaturer car l’instant ne contient ni passé, ni futur. Dans son instantanéité, il ne permet aucune anticipation, aucune prise de recul.
Il est forcément critique. Il est simultanément un point d’équilibre et un point de déséquilibre. Il contient à la fois le vide de l’éphémère et l’épaisseur de l’éternité. Il est à la fois matière et antimatière. Il est forcément déclencheur de l’instinct. Quand l’instant survient, il ne donne déjà plus le temps de penser. Il neutralise le délai. Il impose l’action immédiate. Il est des collectionneurs, des orpailleurs d’instants qui font penser aux chasseurs de papillons, car les instants, lorsqu’ils sont légers, sont insaisissables, fugaces, furtifs par définition, évanescents. Mais il leur arrive d’être lourds, de mordre et de piquer, de poignarder, de marquer au fer rouge. Alors on voudrait pouvoir les oublier, les zapper, les effacer. Mais ils peuvent être aussi indélébiles qu’ils sont fuyants.
Ils peuvent être victimes de nos oublis comme ils peuvent être la cause de nos obsessions. D’une certaine façon les instants ne coagulent jamais. Qu’ils relèvent du délice ou de la plaie, ils ne peuvent pas cicatriser. Ils portent en eux l’apogée du plaisir comme celle de la douleur. Lourds ou légers, ils sont toujours porteurs d’intensité. Tumeur cancer abcès : trois mots qui peuvent être synonymes, mais qui n’ont pas d’antonymes. Lorsqu’il n’est pas magique, l’instant est potentiellement cancérigène. Mais quand il n’infecte pas, il purifie. Il est alors l’instant du surgissement de la grâce. Le lieu précis de la convergence de l’infiniment grand et de l’infiniment petit.
Jean-Pierre Guéno
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