Le lien du plein et du vide

22juil12h5513h00Le lien du plein et du vide12h55 - 13h00(GMT+02:00) AnimateurGueno Jean-PierreÉmissionLe souffle du Diable et le soupir de Dieu

Résumé de l'émission

Le lien du plein et du vide

Le web est parfois tellement plein de vides et de trop pleins qu’il a fait naître un concept : celui de « créateur de contenu ». « Un créateur de contenu est une personne qui crée du matériel divertissant ou pédagogique destiné à être diffusé sur n’importe quel support ou canal. » nous dit le dictionnaire. A l’origine, les « créateurs de contenu » étaient généreux et ne monnayaient pas leurs apports. Ainsi naquit Wikipédia en 2001. Et puis avec le Buzz vint le temps de la rémunération en fonction du nombre de consultations porteuses de revenus publicitaires (en général 1€ pour 1000 vues) .

Les « créateurs de contenu » devinrent des « influenceurs ». Et puis le mot influenceur finit par avoir mauvaise presse, tant les influenceurs nouaient des partenariats avec les marques à l’insu des influencés : « Un influenceur ou créateur de contenu est une personne dont le métier consiste à créer du contenu sur les réseaux sociaux. » Aujourd’hui, les « créateur de contenu » tiennent à se distinguer des influenceurs affirmant que les influenceurs sont payés pour promouvoir des produits ou des services, au contraire des créateurs de contenu. Mais sans renier les influenceurs, ils viennent de créer un syndicat, l’UMICC (Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs de Contenus) qui regroupe les acteurs du secteur de l’influence : agences d’influence, agences de créateurs de contenus, créateurs de contenus.

Le problème, c’est que l’UMIC a été créé par des « agences d’influence marketing ». Les chaînes d’information en continu auraient intérêt à rejoindre ce syndicat sensé constituer « un canal unique de discussion avec les pouvoirs publics ». Le samedi 4 mars dernier un autocar qui transportait une colonie de vacances en Isère et qui revenaient vers Sceaux a été l’objet d’un grave accident lorsqu’il a fini sa course folle dans un ravin. Les chaînes d’information ont titré « L’accident de car, samedi matin, à Corps en Isère, a fait 21 blessés parmi lesquels, deux adultes en urgence absolue selon un dernier bilan.

Les enfants et leurs accompagnants sont originaires de Sceaux dans les Hauts-de-Seine. Ils rentraient d’une colonie de vacances en montagne.” Le bruit a couru dans la journée que quelques enfants étaient eux-mêmes dans un état d’urgence absolue. Le Monde lui-même publiait « Le bilan de cet accident est de deux personnes adultes classées en urgence absolue (le conducteur et un accompagnant) ainsi qu’un adulte et onze enfants classés en urgence relative. L’ensemble des victimes a été pris en charge et est en cours d’évacuation vers les hôpitaux adaptés à l’état des victimes », selon la préfecture. Un premier bilan officiel faisait état de quatre blessés en « urgence absolue » dont deux enfants. » RTL et TFI restaient également dans le flou de la désinformation. Il a fallu que le maire de Sceaux démente lui-même le soir même sur les plateaux des chaînes d’information les informations selon lesquelles les enfants avaient été blessés.

Mais on imagine l’attente, l’angoisse des parents dont certains avaient fait le voyage dans la journée pour rejoindre leurs enfants dans un hôpital où ils n’avaient jamais été envoyés. L’information non vérifiée a un nom : il s’agit de désinformation, et dans un tel cas, la désinformation relève du crime. Il est temps que les élus engendrent un projet de loi visant à traduire devant les tribunaux les « créateurs de contenus » faux parce que non vérifiés et contaminés par le goût de l’audience, de la propagation de l’angoisse, du sensationnel et du voyeurisme. En fin de compte « les enfants s’en sortent indemnes », mais il faut s’attendre à ce que « leurs nuits soient un peu plus compliquées », déclare un psychologue. Pour ce qui est des parents qui ont eu le temps de redouter le pire, leurs nuits seront certainement plus compliquées que celles de ceux des pseudo journalistes sans conscience qui devraient prendre le temps de lire ces lignes plagiant Victor Hugo qui ne se prétendait pas « créateur de contenu » : « Bon appétit, messieurs ! – Ô journalistes intègres ! Informateurs vertueux ! Voilà votre façon d’attirer, serviteurs qui nourrissez la désinformation ! »

Jean-Pierre Guéno