Le lien vertigineux de l’ADN

25juin12h5513h00Le lien vertigineux de l’ADN12h55 - 13h00(GMT+02:00) AnimateurGueno Jean-PierreÉmissionInstants d’Histoire

Résumé de l'émission

Le lien vertigineux de l’ADN

« DNA Drive » : c’est une des réalisations qui va révolutionner le stockage et la transmission de la mémoire humaine au cours du 21ème siècle. On vient en effet de produire deux minuscules capsules contenant des brins d’ADN de synthèse, sur lesquels ont été stockées la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, cette dernière rédigée par Olympe de Gouges en 1791. Les capsules ont été déposées dans l’armoire de fer des Archives nationales à Paris, aux côtés des originaux et d’autres textes emblématiques comme la Constitution de 1958 ou le testament de Napoléon. La boucle est bouclée : l’homme a d’abord maîtrisé la mémoire de ses origines lorsqu’il est devenu capable de séquencer et de décoder la chaîne de l’ADN. Il est à présent capable de projeter cette mémoire vers l’avenir en la transformant en ADN. Dans le futur, foi de Big Data, toutes les données du monde pourront être stockées dans un volume dérisoire équivalent à celui d’une tablette de chocolat. La technologie consiste à transformer une donnée numérique binaire (le document sur papier encodé sous un fichier constitué de 0 et de 1), en donnée quaternaire : les lettres A, T, C et G. Ces lettres sont les briques de l’ADN, le support de l’information génétique qui se transmet de génération en génération, sur plusieurs dizaines de milliers d’années. L’information numérique ainsi convertie est stockée sur des grandes molécules – comme le fait le vivant – copiées des milliards de fois. L’ADN réécrit est ensuite lyophilisé et, pour lire l’information, il suffit de rajouter une goutte d’eau. On peut ensuite récupérer le fichier via un séquenceur d’ADN. La stabilité est garantie pendant plus de 50.000 ans. Au diable les grands centres frigorifiés énergivores et carbonifères stockant les données du Big Data : ils étaient déjà plus de 8 100 centres répertoriés dans le monde au mois d’octobre 2021, et contribuent au réchauffement de notre planète. C’est une équipe française qui est à l’origine de « DNA Drive », le stockage « bio-inspiré » sur ADN. Elle est dirigée par Stéphane Lemire, Directeur de recherche au CNRS Expert en biologie moléculaire et en biologie synthétique et par Pierre Crozet. Vive la Sorbonne nouvelle ! Il faudrait citer encore les équipes d’Alessandra Carbone et de Teresa Teixeira. Après le dépôt des deux déclarations des droits, il serait judicieux de faire que le troisième document immortalisé dans l’ADN soit le manuscrit du Petit Prince, l’ouvrage d’Antoine de Saint-Exupéry le plus traduit dans le monde après la Bible et le Coran. « DNA Drive », c’est le triomphe de l’hérédité et de la transmission. L’homme n’a pas fini de décoder le vivant pour engendrer le vivant. C’est là sans doute la plus grande révolution du développement durable générée par l’homme au moment même où ses modes de vie menacent sa pérennité. Nous savons à présent que sa mémoire lui survivra. Jean-Pierre Guéno

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