Steven Soderbergh, artisan du cinéma
Résumé de l'émission
Emmanuel Taïeb reçoit la journaliste ciné Pauline Guedj pour évoquer son livre Steven Soderbergh, anatomie des fluides, sorti chez Playlist Society en 2021.
Steven Soderbergh est cinéaste insaisissable et prolifique, qui alterne des films calibrés pour le grand public, par exemple Erin Brockovich ou Ocean’s Eleven et des films plus artisanaux et moins connus. Comme si à tous les stades de sa carrière, Soderbergh devait vérifier qu’il était capable d’apprendre et de rester connecté à l’essence même de la création artistique. Soderbergh est, à sa manière, un cinéaste expérimental. Le méconnu Kafka, avec Jérémy Irons, flirte avec l’expressionnisme, et dans d’autres long-métrages il s’agira de revisiter le film noir, le film d’action, de jouer avec le montage et les filtres. Par exemple dans Traffic, dont la lumière couleur sable est la marque de fabrique reconnaissable. A chaque projet, la préoccupation de Soderbergh est de « faire cinéma » à partir d’une histoire, de penser une esthétique au service d’un scénario, et de faire de chaque film une expérience unique. Il embrasse toutes les technologies à partir du moment où elles servent la cinématographie. Il se fait homme-orchestre, contrôlant à la fois la lumière et le montage. Il se fait aussi producteur pour accompagner les projets de ses amis, de Todd Haynes à Christopher Nolan, à leurs débuts. Il filme des scénarios originaux, mais n’hésite pas aussi à faire des remakes ou à tourner des documentaires. Tout cela fait de Steven Soderbergh un « auteur », un des derniers auteurs à Hollywood, tant l’industrie du cinéma semble s’être perdue dans la production de blockbusters interchangeables. Steven Soderbergh est un cinéaste de la fluidité, écrit Pauline Guedj : plutôt que de rester cramponné à une technologie ou à une forme, à un propos ou à un thème, il évolue avec chaque film, et se réinvente. Fluidité donc de sa trajectoire de réalisateur, de son approche, de ses modèles esthétiques, et même de sa capacité à se projeter lui-même. Il annonce ainsi régulièrement qu’il ne tournera plus, mais se lance ensuite dans des entreprises colossales. On pensera ici à la magnifique série The Knick, sur un hôpital new-yorkais du début du XXe siècle.