Émission Instants d’Histoire
juillet
Résumé de l'émission
Scénario pour un monde perdu
L’école des sorciers avait été très active depuis le basculement du 20ème au 21ème siècle. Elle n’avait pas cessé de recruter et de former des apprentis qui, une fois classés, diplômés et nommés à la tête des grands corps, des services de l’Etat comme à la tête des autorités locales, avaient pris définitivement le « lead » sur les affaires dites publiques, dans un contexte où les urnes avaient définitivement disparu, et avec elles les bureaux de vote des mairies et des écoles. Ces nouveaux dignitaires étaient arrivés à figer une aristocratie de technocrates. Ils avaient tendance à se reproduire entre eux. Faute de recours aux votes, leurs décisions étaient orientées par des sondages. Les parlementaires comme les maires n’étaient plus jamais élus sur prise en compte d’un projet, mais sur le seul critère de leur rayonnement médiatique, au cours de trois émissions cousines fortement télévisées : « Top sénateur », « Top député », et « Top maire », qui les départageaient en ayant recours à des jurys de sorciers-stars et par le biais de votes téléphoniques. Les impôts avaient été définitivement supprimés pour être remplacés par des taxes à la consommation. Tout avait été privatisé. Les entreprises qui géraient les anciens services publics étaient cotées en bourse par le biais de points et de bons spécialisés : il y avait des points et des bons santé, des points et des bons éducation, des points et des bons formation, des points et des bons assurance chômage, des points et des bons retraite, des points et des bons assurance, des points et des bons sécurité, des points et des bons justice, des points et des bons logement social, des points et des bons énergie, des points et des bons de congés et de vacances, des points et des bons de palliation de la souffrance, des points et des bons IVG, des points et des bons adoption, des points et des bons migration, des points et des bons d’assistance au suicide, des points et des bons de raccordement aux réseaux d’approvisionnement en eau potable, d’assainissement des eaux usées et de tout à l’égout, aux réseaux de transport, aux réseaux de gaz, d’électricité, de fibre optique, de messagerie, de chauffage et de climatisation, aux réseaux d’influence, des points et des bons « service à la personne ». Les églises avaient même conçu des points et des bons bénédiction, confession, absolution, baptême, communion, mariage, divorce, extrême onction. Ces points et ces bons étaient acquis par les plus privilégiés et gérés par des fonds de pension mondialisés. On avait titrisé la vie quotidienne. Ces points et ces bons avaient des cours qui fluctuaient en fonction des crises qu’elles soient démographiques, économiques, climatiques, sociales ou politiques. Ils donnaient lieu à une forte spéculation. Tout avait un prix. Les gouvernants-sorciers avaient mis en place des crèches, des écoles, des hôpitaux, des cliniques, des EHPAD, des prisons, des maisons mortuaires, des crématoriums, des cimetières et des colombariums industriels dont les pensionnaires ou les utilisateurs étaient gérés en batterie de façon très intensive. Ils avaient rentabilisé le marché de la vie comme celui de la mort. Des cryptomonnaies mondiales avaient définitivement remplacé les monnaies nationales ou communautaires. On avait virtualisé les relations amoureuses et les relations sexuelles ou conditionné leur incarnation par la possession de points et de bons d’amour.
août
Résumé de l'émission
Le lien des vœux
Les vœux ont une histoire. Longtemps les humains, les religieux qui prononçaient leurs vœux proclamaient leur engagement et leur irrévocable détermination à se retirer du monde entre les murs épais d’un monastère ou d’un couvent. Chaque premier jour de l’an neuf, nous pourrions prononcer nos vœux en les formulant : ils pourraient consister à ne surtout pas nous retirer du monde mais à nous y intégrer, refusant les tours d’ivoire des Carmels, si orgueilleuses, si prétentieuses, puisqu’elles font de l’autre un impur et un danger et du cloîtré un élu. Ne conviendrait-il pas de réintégrer les contemplatifs dans la tourbe grouillante des vivants, de les soustraire à leur vie confinée, cloîtrée, cachée ? Se retirer du monde, c’est un peu laisser le commun des mortels prisonnier de la prétendue trivialité de sa vie quotidienne. Longtemps les prêtres sont restés des notables, éloignés de leurs fidèles, perchés sur les prérogatives que s’arrogent les clercs. Et puis de nouveaux papes les ont incités à se rapprocher de la tourbe humaine, à s’y fondre pour lui prêter assistance. Ainsi pourrait-il en être de nous-mêmes. Echapper aux citadelles de nos fausses certitudes et de nos prétentions. Casser nos murs fortifiés, abattre nos donjons, combler nos douves, désarmer nos chemins de rondes, abaisser nos pont-levis. Abandonner l’univers carcéral des grilles, des portes fermées, des cellules et des parloirs. Condamner les religions punitives, « enfermantes » et enfermées. Rejoindre le monde périssable des vivants et ne surtout pas prétendre à la vie éternelle de ceux qui monnayent leur foi et qui finissent par ne contempler que le reflet de leur visage dans l’eau croupie des bénitiers.
Réécouter l'émission
Résumé de l'émission
Le lien des fossoyeurs et des bonnets d’âne
La France ne cesse de reculer dans le classement Pisa. Elle est passée depuis 23 ans des 15e et 11e rangs aux 23e et 25e en lecture et en mathématiques : plus de 40% des collégiens de sixième ne maîtrisent ni la lecture, ni l’écriture, ni le calcul. Le désastre touche aussi les enseignants, avec, d’un côté, la progression des démissions et la pénurie des recrutements, et, de l’autre, l’écroulement de leur niveau. Il comporte une dimension sociétale, avec la montée des inégalités, mais aussi l’explosion de la violence dans les établissements scolaires, qu’il s’agisse de rixes entre élèves, de harcèlement ou d’agressions contre les professeurs. Luc, Vincent, Benoit, Najat, Thierry, Jean-Michel, Pap, Gabriel et aujourd’hui Amélie : depuis quinze ans, les 9 ministres qui se sont succédés à la tête du Ministère de l’Education Nationale n’auront rien été d’autre que de paisibles fossoyeurs tranquilles et souvent irresponsables qui auront su parader devant les médias en revendiquant des réformes prétendument capitales. Ils doivent savoirs que leurs noms déjà oubliés rejailliront de l’histoire comme autant de tristes signatures responsables de la destruction minutieuse du système éducatif français. Non contents de continuer à dégrader le salaire des enseignants en faisant mine de les augmenter par de faux rattrapages, non contents d’avoir supprimé ou dégradé les filières de sélection et de formation spécifiques qui leur ont longtemps été dévolues, (Ecoles normales, IUFM…), non contents d’obliger les correcteurs du Bac à relever artificiellement le niveau de notation des copies pour revendiquer des statistiques de réussite dont ils se glorifient, non contents d’avoir massacré l’orientation des élèves au nom d’un faux égalitarisme, ils continuent à niveler l’institution qu’ils gouvernent par le bas et ils en viennent aujourd’hui à supprimer un nombre croissant de classes préparatoires littéraires tant à Paris qu’en Province. Le ministère de l’Education nationale est devenu depuis longtemps un canard sans tête, une créature décapitée qui ne cesse de divaguer. Les professeurs et les élèves sont devenus la cinquième roue d’une citrouille qui n’est pas vraiment sur le point de se transformer en carrosse et la fille de Cendrillon risque bien de ne jamais savoir correctement ni lire ni écrire. C’est une fée malfaisante dotée d’une baguette maléfique qui règne depuis bien longtemps sur le 110 rue de Grenelle.
Réécouter l'émission